Florence Arnaud à l’écoute du corps

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coauteure de Intolérances alimentaires

Florence Arnaud, enseignante chercheuse, maître de conférence à l’Université Paris-Sud, en droit et alimentation. Elle est, avec Véronique Chazot, coauteure de Intolérances alimentaires, sensibilités, allergies : Comprendre (et vivre avec !). Avril 2016. Edition Terre vivante.

 

 

De plus en plus de personnes semblent souffrir d’allergies ou d’autres formes de réactions aux aliments. Qu’en pensez-vous ?

 

 

Il semble en effet y avoir de plus en plus de personnes sujettes à ce que j’appelle des réactions adverses à tel ou tel aliment, qu’on les nomme intolérances, allergies ou sensibilités alimentaires. Il y a probablement plusieurs facteurs explicatifs. Les pollutions provenant de sources multiples (alimentation, air, eau, ondes…), une certaine pollution mentale à laquelle nos vies modernes nous exposent beaucoup, liée au stress, à diverses angoisses (en particulier autour de l’alimentation), fragilisent nos organismes et peuvent faciliter l’apparition de dérèglements.

 

 

Les recherches récentes focalisent sur l’importance de la flore intestinale….

 

 

Plus généralement, il est de plus en plus établi que ce que nous absorbons affecte l’ensemble des bactéries, champignons, levures, etc. qui peuplent notre corps et notamment notre appareil digestif. L’état de cette flore, dite microbiote, a une incidence majeure sur notre santé et notre mental. Certains aliments en particulier auraient une incidence négative et le corps va alors exprimer qu’il s’en nourrit mal, qu’il en est déséquilibré.

 

 

De plus, le mode de fabrication de nombreux ingrédients ou aliments, comme les farines ou le pain par exemple, ajouté à une faible mastication et donc à une moindre libération d’enzymes digestives, vont favoriser une dégradation incomplète des aliments. Des molécules risquent de franchir la barrière intestinale et déclencher des mécanismes d’inflammation. Ainsi, selon certains chercheurs, les aliments composés de grosses molécules difficiles à scinder et donc à absorber, tels que blé, lait et œufs, seraient les plus incriminés en matière de réactions de type allergie ou intolérance.

 

 

Au cours de vos recherches, vous avez découvert une autre grille d’explications liées à la fréquence de consommation d’un aliment….

 

 

Il semblerait que plus un aliment est consommé par une population, plus il déclenche des allergies. Au Japon, le riz est source d’allergies, par exemple. En Europe, il existe une liste légale des 14 allergènes les plus fréquents, qui diffère de la liste des Etats-Unis, par exemple, et l’on voit actuellement augmenter les allergies au lupin ou au sarrasin, de plus en plus employés par l’industrie.

Outre la fréquence de consommation, il faut prendre en considération que ces aliments sont souvent mangés par habitude, sans écouter notre corps, un peu en « pilote automatique » : la tartine du matin, le yaourt de midi, la brioche du goûter, le fromage du dîner, etc. Par les symptômes de l’allergie, de l’intolérance ou de la sensibilité, notre organisme signifie parfois qu’il arrive à saturation, surtout quand ces aliments sont peu digestes et perturbent l’équilibre microbien de la flore intestinale.

 

 

Vous faites aussi référence à une autre notion, peu utilisée, celle d’aliments vrais et a contrario, d’aliments « morts ». De quoi s’agit-il ?

 

 

Beaucoup d’aliments proposés aujourd’hui ne sont pas nocifs sur le plan sanitaire mais ils ne participent pas à la vitalité du corps, ils sont dépourvus d’énergie, à la différence de l’eau de source, des fruits et des légumes récoltés depuis peu, des produits frais en général. Ce sont en quelque sorte des aliments morts. Notre organisme n’est pas conçu pour ce type d’alimentation qui ne le nourrit pas mais l’encombre, l’encrasse. Mais nous n’y prêtons pas attention.

 

 

Selon vous, le traitement des allergies et des sensibilités ne passe pas obligatoirement ou uniquement par l’éviction des aliments supposés allergisants ?

 

 

Il me semble en effet qu’une des clef de la santé, de façon générale, réside dans une forme d’attention par chacun à ce que nécessite son propre corps, dans son unicité, ses particularités.  Les besoins varient beaucoup d’une personne à l’autre et pour un même individu, d’une époque à l’autre, voire d’un jour à l’autre, d’un moment de la journée à l’autre. Nous sommes vivants, donc en mouvement et en changement, avec un besoin d’adaptation permanent  ! A l’écoute de notre corps, à ce qu’il exprime – encore faut-il distinguer les pulsions des messages de fond -, nous nous devons d’ajuster régulièrement notre alimentation à nos besoins du moment, remettre de l’ordre de temps en temps, un peu comme on range une chambre, en évitant de se laisser submerger par trop de désordre.

 

Cela ne signifie pas qu’il ne faudra pas, pour un temps ou pour une vie, exclure de son assiette tel ou tel aliment ou composé d’aliment qui provoque chez nous des réactions adverses, qui ne contribue pas à notre santé et notre vitalité. Mais ce n’est pas la seule réponse à donner. Je développe, dans mon livre, coécrit avec Véronique Chazot, plusieurs autres voies que j’invite chacun à explorer.

 

 

Sources : Florence Arnaud tient le blog http://makanaibio.com/

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