Paul Bocuse, un géant

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Bocuse

La cuisine française vient de perdre son « monument ». Paul Bocuse incarne à lui tout seul la quintessence de la cuisine du XX° siècle. Bocuse, c’est un peu César de Pagnol, un personnage immense, qui paraissait encore plus grand avec sa toque de chef.

 

On n’échappe pas à son destin ! Les Bocuse sont aux fourneaux depuis le XVII° siècle ! Son grand-père paternel était propriétaire du Restaurant Bocuse, à Collonges-au-Mont-d’Or, près de Lyon. Né en 1926 à Collonges-au-Mont-d’Or, dans l’auberge du Pont, Paul Bocuse va d’abord goûter la gamelle de l’Armée française de Libération. Il manque d’y passer et décroche la Croix de guerre.

 

 

Années 1960, les étoiles pleuvent

 

Retour aux fourneaux, stage chez la mère Brazier à Pollionnay, puis chez Lucas Carton à Paris auprès du grand chef Gaston Richard. Il se lie d’amitié avec les frères Troisgros. Début des années 1960, les choses sérieuses commencent. Meilleur Ouvrier de France (MOF) en 1961, il décroche en quatre ans ses trois étoiles et fait de l’Abbaye du Pont de Colllonges le saint-des-saints de la gastronomie française.

 

 

Le beurre, la crème et le vin

 

 

Monsieur Paul s’est toujours présenté comme « un adepte de la cuisine traditionnelle« , qui aimait le beurre, la crème, le vin, et se régalait d’un simple pot-au-feu ou d’un boeuf bourguignon. Une journaliste du Figaro lui demande : quel est le meilleur menu à commander dans votre restaurant ? « Soupe aux truffes VGE, suivie d’un filet de sole aux nouilles ou d’une volaille de Bresse, d’un saint-marcellin et, pour le dessert, d’une glace à la vanille ou d’oeufs à la neige » répond le maître. Effectivement, cela ne sent pas a priori la nouvelle cuisine.

 

Les mérites des produits de terroir

 

Cela ne l’empêchera pas avec certains plats – comme une simple salade de haricots verts al dente -, d’être quasiment assimilé à la Nouvelle vague (Guérard, Troisgros). Et si Marc Veyrat salue le visionnaire, l’avant-gardiste, ce n’est pas pour rien. L’un des traits de sa modernité, c’est d’avoir été le premier à chanter les mérites des produits de terroir, l’importance de la qualité et de la fraîcheur des produits.

 

L’autre trait de modernité, c’est son génie de la communication. Tout est bon pour faire  des coups médiatiques. Il va servir des menus aux passagers du premier vol du Concorde en 1969, mettre son nom sur des plats sous vide William Saurin, lancer des compétitions internationales de grands cuisiniers (Bocuse d’Or), poser ses jalons au Japon et aux Etats-Unis.

 

Hamburger au château Pétrus

 

Dans les années 1970, il emmène son ami, Georges Duboeuf, conquérir les Etats-Unis. Pour un dîner de presse à Denver (Colorado), il sert un hamburger de foie gras et lamelles de truffes. Traditionnellement, il prépare un oeuf poché à la beaujolaise. Mais au lieu de ce petit vin modeste, il utilise un château Pétrus, aimablement offert par son hôte, un richissime pétrolier texan. L’impact est fantastique. Newsweek, Time, les télévisions, les revues spécialisées dans la table et le vin, relayent le geste iconoclaste. Le nom de Paul Bocuse va rester gravé aux Etats-Unis en lettres lumineuses.

 

Une vingtaine de brasseries et de restaurants en France, au Japon et en Floride, des  instituts-écoles, une résidence hôtelière, une marque, etc… Paul Bocuse qui préférait aller pêcher plutôt qu’aller étudier quand il était jeune, a bâti un petit empire commercial. Mais ce n’est rien à côté de ce qu’il lègue à l’histoire de la gastronomie française.

 

Aurélie Laroche