Le commerce des semences doit bientôt faire l’objet d’une nouvelle réglementation européenne. Selon ses adversaires, le nouveau projet de loi aggrave les menaces qui pèsent sur la biodiversité, au profit de grands lobbies agro-industriels.
Le commerce de semences en France et en Europe est soigneusement encadré. Seules peuvent être commercialisées les semences issues de variétés inscrites au Catalogue officiel des espèces et variétés végétales. Il s’agit de garantir au consommateur (agriculteur, jardinier..) les caractéristiques de la semence achetée, ses qualités et sa stabilité. Au niveau européen, existe un catalogue commun qui est la somme des catalogues des différents pays européens. Ce catalogue regroupe plus de 18 200 variétés de grande culture (84 espèces différentes) et plus de 16 200 variétés potagères (48 espèces différentes).
Récolter et utiliser ses semences
Dans ce cadre règlementaire, existent encore quelques espaces de liberté : En France, chacun est libre de semer et récolter pour sa consommation ou son usage personnel toutes espèces végétale ; tout jardinier amateur peut récolter et utiliser des semences issues de sa propre culture. Pour autant la loi interdit les échanges de semences entre paysans, assimiliées à des ventes déguisées.
Petits paysans et grands groupes
Depuis des années, divers acteurs (Confédération Paysanne, Fédération Nationale d’Agriculture Biologique,…) s’élèvent contre cette règlementation qu’ils jugent contraire aux intérêts des petits paysans et semenciers, et favorable aux grands groupes (Monsanto entre autres), seuls en mesure financièrement et techniquement d’imposer leurs variétés. L’association Kokopelli s’est faite le champion de la biodiversité et des variétés anciennes, en distribuant gratuitement des semences bio en Europe et dans le tiers-monde. L’argument de la biodiversité est fort : selon la FAO, 75% de l’alimentation mondiale provient désormais de seulement 12 plantes et 5 espèces animales.
Pseudo variétés nouvelles
Selon Kokopelli, la Commission européenne, avec son nouveau projet de loi, va aggraver le tableau. Les échanges libres de semences vont devenir impossibles. La réglementation en cours d’adoption va bloquer encore un peu plus les variétés anciennes. A contrario, elle va favoriser de pseudo variétés nouvelles, protégées par des droits de propriété intellectuelle. L’industrie semencière pourra réaliser les examens et tests officiels obligatoires elle-même, en subissant moins de contrôles.
Brevetage et main-mise sur le vivant
Derrière ces questions techniques, se dissimulerait un danger sérieux, l’ouverture à des semences génétiquement manipulées, commercialisées sans aucune évaluation sanitaire, environnementale, et sans information du consommateur ; le brevetage des plantes et des gènes naturels. L’enjeu, mal perçu par les consommateurs, n’est rien d’autre que le risque de main-mise des grands groupes sur « le vivant ».
Bernard Duran
Photo: Gilles Rigoulet
Sources :
Réforme européenne du commerce des semences : Favoriser la biodiversité ou les OGM brevetés ? 26 avril 2011.