Tristan Rouyer, follower de thons

0
707
Tristan Rouyer Popstar

Tristan Rouyer, chercheur à la station Ifremer de Sète (UMR Marbec) est l’un des scientifiques en charge de Popstar, un programme de marquage électronique des thons rouges en Méditerranée, visant à mieux comprendre quand les poissons se nourrissent et se reproduisent, quelles sont leurs routes migratoires.

 

Lire aussi : Le thon rouge, abondant mais fragile

 

 

Les scientifiques de l’Ifremer étudient le thon rouge (Thunnus thynnus). On connait certains aspects de son mode de vie, de ses migrations entre régions froides et régions chaudes, mais il y a encore beaucoup à apprendre ?

 

 

Le marquage conventionnel existe depuis longtemps. On capture des individus, on les mesure et on les pèse, et on les identifie avec une petite plaque de plastique. Le jour où on les recapture , on évalue leur prise de poids. On sait donc quel a été leur déplacement et de combien ils ont grossi entre temps. Mais ce type de données ne dit rien sur ce qu’a fait le thon durant la période étudiée, son comportement en matière d’alimentation et de reproduction.

 

 

Depuis quelques années, vous utilisez un marquage électronique qui donne davantage d’informations, notamment sur les déplacements des thons ?

 

On dispose effectivement de balises qui enregistrent des données telles que la température de l’eau, la pression (donc la profondeur à laquelle descend le poisson), la lumière (qui donne une donnée sur la localisation).  La balise se détache automatiquement, remonte à la surface et envoie des informations à un satellite, que l’on collecte ensuite. Ces balises sont appelées « pop-up satellite archival tags ».

 

Avec le projet Popstar, vous abordez une nouvelle phase de recherche ?

 

La technique utilisée actuellement présente diverses limites, à commencer par le coût élevé de l’équipement (environ 4 000 euros la balise), et l’absence d’information sur le poisson lui-même. Grâce à Popstar, on devrait disposer d’une génération de balises (marques) plus petites, moins chères, et donnant des informations sur le poisson, en particulier son taux de gras. Nous allons ainsi savoir si le poisson est en train de constituer des réserves ou si au contraire, il dépense de l’énergie (consomme ses réserves de gras) en vue de se reproduire.

 

 

Entre autres choses, vous recherchez des informations sur la fréquentation des zones de reproduction ?

 

Actuellement, nos hypothèses sont que, en Atlantique ouest, les thons sont matures  et se reproduisent à huit ans, et en Atlantique Est, à l’âge de quatre à cinq ans. Mais, une observation plus précise pourrait par exemple montrer que des juvéniles fréquentent certaines zones de reproduction. Cela changerait notre évaluation de la capacité de reproduction. On peut aussi faire des découvertes sur le transfert des bancs d’une zone à une autre, et ainsi mieux adapter la politique de protection.

 

Pourquoi ces balises sont-elles aussi chères?

 

L’observation des écosystèmes marins est très compliquée. Dans le cas du thon, l’équipement doit supporter une immersion jusqu’à 1500 mètres de profondeur, soit une pression de 150 bars. Le système doit être autonome (embarquer sa propre énergie) et se détacher automatiquement pour remonter à la surface. Les nouveaux équipements à l’étude seront davantage miniaturisés et grâce à un coût moins élevé, on espère pouvoir ainsi suivre beaucoup plus d’individus.