Jaune pimpant, les bananes importées de Martinique et de Guadeloupe ne doivent pas faire oublier que les Antilles sont victimes d’une grave pollution, la contamination au chlordécone.
Le chlordécone (nom commercial Kepone, puis Curlone), un pesticide organochloré très toxique, a été massivement utilisé par les cultivateurs antillais dans les années 1970-1980 pour éliminer le charançon, une famille de coléoptères ravageurs du bananier. Interdit en 1993, il a été répandu jusqu’au milieu des années 2000. Les Etats-Unis avaient pourtant reconnu sa dangerosité dès 1978, quasiment trente ans plus tôt.
L’écosystème antillais mis à mal
Le déversement de tonnes de chlordécone a gravement endommagé l’écosystème de la Guadeloupe et de la Martinique. Les commissions d’enquête scientifiques ont établi que les sols étaient pollués pour des dizaines d’années voire des siècles. Par le phénomène de ruissellement, cette pollution se transmet à l’eau et devient une source de contamination des aliments.
Vivre avec la pollution
Les autorités ont dû adopter successivement un ensemble de Limites Maximales de Résidus (LMR) afin de protéger la population. Dans cette région tropicale de la France, il faut désormais apprendre à vivre avec la pollution, comme le signale un rapport de l’INVS (Institut National de Veille Sanitaire) : « Les Antilles françaises constituent donc un laboratoire à petite échelle dans un monde durablement pollué, où, après avoir acté l’existence d’une pollution irréversible, il s’agit maintenant de mieux la connaître et la circonscrire mais aussi de vivre avec. »
De multiples risques difficiles à mesurer
De multiples suspicions de toxicité sont liées au chlordécone. Le CIRC (Centre International de Recherche sur le Cancer) l’a classé comme cancérigène possible. Aux Antilles,on a mis en évidence une forte prévalence de cancers de la prostate, une multiplication de myélomes dans les zones bananières, etc. Des études prouvent que des hommes fortement exposés au chlordécone avaient un risque 2,5 fois plus élevé de développer un cancer de la prostate.
Ce perturbateur endocrinien avéré est suspecté de porter atteinte à la fertilité masculine. Il est aussi connu pour créer des dommages au foie ainsi qu’au système nerveux central (source de problèmes neurologiques, formes atypiques de Parkinson).
Pollutions et limites de résidus
Du fait de la présence de ce polluant organique persistant (POP) dans l’eau et dans les sols, tous les aliments sont potentiellement contaminés : bovins, volailles, poissons et crustacés… Les légumes-racines (patate douce, chou caraïbe, dachine, igname, carotte, navet…) sont particulièrement exposés. Des limites de contamination des sols ont donc été fixées pour ces cultures (moins de 1mg-kg de sol sec). Les fruits et légumes aériens (tomates, haricots, bananes, ananas, goyaves…) sont moins susceptibles de contamination.
La réglementation actuelle fixe la Limite Maximale de Résidus (LMR) à 20 µg (microgramme – millionnième de gramme) par kilo de poids frais. Si le consommateur lambda ne prend probablement pas de risque particulier en mangeant une banane, il n’en reste pas moins que le chlordécone est pour la France, le vecteur d’un désastre écologique persistant.
Eric Allermoz
Sources : Chlordécone aux Antilles : bilan actualisé des risques sanitaires. Janvier 2011.
Impact sanitaire de l’utilisation du chlordecone aux Antilles françaises
Photo : www.bananeguadeloupemartinique.com