L’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae) vient de réaliser un ensemble de scénarios indiquant les chemins possibles pour une agriculture européenne sans pesticides.
Une agriculture européenne n’utilisant pas de pesticides ? L’Union européenne affirme depuis trois à quatre ans sa volonté de réduire au maximum les tonnages d’insecticides, herbicides, fongicides déversés dans les sols et les eaux. On connait désormais les ravages de ces agents chimiques sur la faune et la flore, en particulier sur les insectes, notamment les pollinisateurs, essentiels à la production de légumes et de fruits.
Sans parler de la pollution des sources d’eau et les incidences sur la santé des humains. Le problème est que l’Europe ne fait aucun progrès sur la voie d’une agriculture « propre ». On consomme entre 3 et 4 kg de pesticides par habitant par an (l’Italie, 6,11 kg) dans chaque pays européen. Et ces quantités ne baissent pas.
140 experts pour sortir de l’impasse
Aussi, l’Inrae a coordonné une recherche réunissant à l’échelle européenne 140 experts, scientifiques, agriculteurs, ONG, entreprises pour concevoir des scénarios pour sortir de l’impasse des produits phytosanitaires. L’exercice est compliqué : il s’agit d’instaurer de nouvelles méthodes permettant de ne plus utiliser de produits chimiques et de restaurer la biodiversité, tout en maintenant le niveau de production agricole et la balance commerciale de l’Union européenne.
Capteurs, robots, plantes résistantes
Les 140 experts ont tracé trois grands chemins qui supposent tous une mobilisation générale, impliquant les agriculteurs, les pouvoirs publics, les consommateurs. Le premier scénario mise sur l’essor d’une agriculture très moderne, avec des surveillances par capteurs, des robots, des plantes résistantes aux agresseurs, et une élévation des normes environnementales internationales pour tous les pays, ceux de l’Union européenne et ceux des partenaires commerciaux.
Logique agro-écologique
Les deux autres scénarios mettent en route une autre logique, qualifiée d’agro-écologique. Il s’agit d’utiliser des techniques connues (rotation des cultures, insectes auxiliaires…), et simultanément de changer l’orientation des systèmes agricoles en réduisant la part de l’élevage, les surfaces de prairies (entre 30 et 50%)…. Cette stratégie n’est possible que si les consommateurs réduisent nettement leurs achats de produits animaux (viande, œufs, laitages…). Selon l’Inrae, ces inflexions permettraient d’améliorer la souveraineté alimentaire (l’élevage exige d’importer du soja notamment), la nutrition et la santé des populations en Europe ».
Biodiversité et écosystèmes
Point encourageant, les trois nouvelles politiques, non seulement réduiraient fortement la consommation de produits chimiques et concourent à réduire les émissions
de gaz à effet de serre, et à renforcer la biodiversité et l’état général des écosystèmes. Point inquiétant, plusieurs pays de l’Union européenne (la France au premier chef) sont encore loin des logiques zéro pesticides, et subventionnent toujours leurs agriculteurs gros utilisateurs de produits phytosanitaires.
JC Nathan
Sources : Inrae