La France reste l’un des plus grands consommateurs de pesticides au monde. Ce n’est pas faute de multiplier les plans environnementaux. La mutation vers une autre agriculture est très difficile, mais pas impossible.
Cela fait bientôt dix ans que la France s’est engagée à réduire l’usage des pesticides (insecticides, fongicides, herbicides), sans avoir progressé d’un pouce. Le plan Ecophyto 1 lancé en 2008 annonçait une réduction de l’utilisation de pesticides de 50% en 2018. Echec quasi-total. Sur les sept dernières années (2009-2016), la consommation de produits chimiques a augmenté de 20% en France. Fin 2015, le gouvernement a annoncé le plan Ecophyto 2 en s’engageant de nouveau à réduire les pesticides de 50% d’ici à 2025.
Une vingtaine de traitements pour les pêches et les pommes de terre
Mais rien ne permet de penser que l’agriculture française est capable d’inverser son mode de fonctionnement, qui s’avère pourtant terriblement dommageable pour l’environnement et la santé, avec une large diffusion de molécules fortement suspectées d’être cancérogènes, mutagènes, et gravement perturbatrices du système hormonal.
Une photographie des pratiques laisse songeur : en moyenne, selon les régions et les années, il s’opère quatre traitements chimiques par an pour le blé tendre (utilisé pour le pain), cinq pour le colza, neuf pour les fraises, douze pour les tomates, 17 pour les pêches, 18 pour les pommes de terre, 19 pour la vigne, 34 pour les pommes !
Rentables et facilement applicables
Pourquoi une telle addiction des agriculteurs aux pesticides ? Un responsable de la FNSEA (Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles), le principal syndicat agricole français, le résumait sans embage : les produits phytosanitaires (le mot soft pour pesticides) sont rentables et facilement applicables ».
Les dernières études et expériences en matière d’agriculture alternative, tout particulièrement celle du réseau Dephy (2900 fermes pilote), montre qu’il existe une autre façon de cultiver, sans perdre d’argent. Selon l’Inra, on peut diminuer la fréquence de traitement et réduire globalement de 30% l’usage de pesticides (et même bien plus pour les fermes les mieux placées), sans perte de rentabilité.
Révolution culturelle et technique
Seul problème et pas des moindres, il faut réviser ses méthodes de travail et de culture. Diversification des cultures avec introduction de cultures rustiques ou de prairies temporaires en régions d’élevage, diversification des variétés cultivées, ajustement des dates de semis et des modalités de fertilisation, techniques de faux-semis, désherbage mécanique… C’est une petite révolution culturelle et technique qui est demandée. Elle suppose de la formation, de l’accompagnement, des aides financières.
Ce cadre est loin d’être posé. Le sera-t-il avant 2025 ?
JC Nathan
Sources : www.lemonde.fr
Photo : ©Pascal Xicluna/Min.Agri.Fr