Serge Hercberg, expert en nutrition

0
922
S Hercberg Inserm

S Hercberg Inserm

Epidémiologiste, expert en nutrition à l’Inserm (université Paris 13), le professeur Serge Hercberg vient de remettre au ministre des affaires sociales et de la santé des propositions de mesures (1) pour améliorer l’alimentation des Français.

 

L’excès de sel dans la nourriture créé un gros problème de santé dans les pays occidentaux. Combien les Français consomment-ils de sel ?

 

Toutes les études (NutriNet-Santé, ENNS, Inca 2..) convergent vers un chiffre d’environ 8,5 g de sel par personne et par jour. C’est moins qu’il y a quelques années mais c’est bien au-dessus des principales recommandations publiques (OMS, FAO,…). Globalement, tous les pays occidentaux consomment trop de sel. (Lire : Limiter le sel, enjeu de santé prioritaire)

 

Cela a de lourdes incidences pour la santé – infarctus du myocarde, accidents vasculaires cérébraux, maladies coronariennes, certains cancers… et donc sur le plan humain et financier.  Réduire la consommation de sel est un vrai enjeu de santé publique. Aux Etats-Unis, des études montrent qu’on peut économiser entre 10 à 20 milliards de dollars de dépenses santé si l’on réduit la consommation de sel.

 

D’où provient le sel consommé en excès ?

 

Environ 75 à 85% des apports de sel viennent des aliments tels que le pain, la charcuterie, les fromages, les produits transformés (plats, soupes, produits de grignotage…). Le sel ajouté dans l’assiette ne représente qu’une petite part de 10 à 15%.

 

Le Programme national nutrition santé (PNNS) adopté en 2006 prévoyait des engagements volontaires des industriels pour réduire la teneur en sel des plats préparés. Quel a été le résultat de cette démarche ?

 

Il y a eu 35 chartes signées (25 chartes sur le sel) par lesquelles les industriels se sont engagés à modifier les cahiers des charges concernant différents critères de qualité (matières grasses, teneur en sel, en sucre). Différentes marques de soupes ont réussi à baisser de 5 à 20% la teneur en sel. On voit donc que cette démarche est possible. Mais le nombre d’accords signé est trop faible.

Si l’approche incitative n’est pas suffisamment efficace, alors il faut envisager la piste règlementaire.

 

 

Dans le rapport remis au ministre de la Santé, en vue de l’élaboration de la Loi Santé, vous préconisez une limitation règlementaire des doses de sel dans le pain. Pour quelles raisons ?

 

Avec 25 à 30% de l’apport quotidien de sel, le pain est le plus gros contributeur de sel dans l’alimentation. Il est relativement facile de diminuer progressivement la teneur en sel du pain sans que le consommateur s’en rende compte. La profession des boulangers n’y est pas hostile d’ailleurs.

 

Pour les autres aliments, il est plus compliqué de décréter des seuils pour le sel… ?

 

Effectivement. C’est pourquoi nous avons proposé d’autres mesures parmi lesquelles le score nutritionnel, un code visuel simple qui permet de classer les aliments selon leur teneur en calories, en gras, en sucres, en sel.  Au vu du code couleur sur l’emballage, le consommateur peut ainsi choisir entre deux ou trois marques de pizzas ou de madeleines, celle qui est la mieux notée, donc avec la meilleure composition  nutritionnelle.

 

En complétant ce dispositif par un système de taxes et de réglementation de la publicité, on peut pousser les industriels à améliorer leurs produits. La communauté scientifique, les consommateurs, les sociétés savantes sont favorables à de telles dispositions. Une pétition circule d’ailleurs en ce sens (www.sfsp.fr/petitions/petition.php?cid=7#com).

 

A contrario, l’Association nationale des industries alimentaires y est très opposée. C’est regrettable. La France, de par son image de gastronomie et de sécurité sanitaire, est bien placée pour promouvoir de telles mesures qui pousseront les industriels à innover et seront sources de compétitivité internationale. D’ici à quelques années, tout le monde acceptera ces nouvelles règles du jeu.

 

(1) Propositions pour un nouvel élan de la politique nutritionnelle française de santé publique. 15 novembre 2013. Rapport rédigé par le Pr Serge Hercberg.

 

Source photo : Liberation