Le chlordécone, insecticide utilisé pendant vingt ans aux Antilles, a contaminé les sols et l’eau pour des siècles. Exemple d’un usage aberrant de chimie en agriculture.
Le chlordécone est un pesticide organochloré utilisé massivement en Martinique et en Guadeloupe dans les années 1970-1980 pour lutter contre le charançon, un insecte volant (coléoptère) ravageur des bananeraies. Selon un chercheur de l’Inra, les cultivateurs ont déversé quelques 300 tonnes d’insecticide chlordécone pendant une vingtaine d’années. Or, un seul kilo suffit à empoisonner durablement plusieurs hectares.
La grande toxicité
La diffusion de ce pesticide est d’autant plus aberrante que dès le début des années 1970, la Commission des toxiques (institution officielle) met en garde contre la grande toxicité de ce produit qui s’accumule dans les tissus vivants, dans les sols et l’eau. Les Etats-Unis vont d’ailleurs interdire le chlordécone en 1976, suite à un accident sanitaire grave.
Polluant organique persistant
En 1990, les pouvoirs publics français reconnaissent enfin les risques sanitaires liés à ce pesticide organochloré, pollluant organique persistant. Ils en interdisent enfin l’usage. Mais les cultivateurs vont sans doute écouler les stocks pendant encore une dizaine d’années. Quant à la Commission européenne, elle l’interdit formellement en 2003, presque trente ans après les Etats-Unis !
Cancérigène, dommages neurologiques…
La gestion des pouvoirs publics (français et européens) est fortement critiquée par diverses commissions d’enquête. Car le « bilan chlordécone » est catastrophique. Primo, il s’agit sans conteste d’un polluant très dangereux, aux incidences indéniables sur la santé : effets cancérigènes, dommages neurologiques, perturbateurs endocriniens…. Guadeloupe et Martinique présentent des taux de cancer de la prostate (500 cas par an dans chaque département) parmi les plus élevés au monde (deux fois ceux observés en métropole) et un grand nombre de naissances prématurées.
Les tubercules contaminées
Les dommages sur la nature en Martinique et en Guadeloupe sont considérables. Les rivières, les cultures en aval des bananeraies, l’herbe, le lait des vaches, le poisson, les crustacées… la molécule insecticide « remonte » partout. Nombre d’aliments présentent désormais des teneurs anormales de chlordécone. Paradoxalement, la banane, poussant « en partie aérienne » de la plante, n’est pas touchée. Mais les tubercules qui poussent dans les sols, tels que la patate douce, l’igname, le taro (dachine) très consommées localement, captent les contaminants.
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Selon certains chercheurs, il faudra près de 700 ans avant que ce polluant se dissipe totalement. Ce désastre écologique a de quoi révolter les citoyens, au premier rang desquels les Français d’outre-mer.
JC Nathan