Derrière le terme de pesticides, se cachent plusieurs familles de molécules chimiques particulièrement agressives, dont la nocivité pour l’homme est encore mal appréhendée.
Le terme générique « pesticide » recouvre plusieurs familles de substances utilisées pour protéger les cultures : les insecticides, les fongicides (contre les champignons), les herbicides, les antiparasitaires… Les multinationales préfèrent le terme de phytosanitaires — produits soignant ou protégeant les plantes des maladies.
DDT, un insecticide anti-paludisme
Dans les années 1940, le suisse Geigy (aujourd’hui Novartis) lance dans les années 1940 un insecticide révolutionnaire, le DDT. Celui-ci va notamment servir à lutter contre les moustiques porteurs du paludisme. À l’époque, on le considère comme totalement inoffensif pour l’homme et l’environnement. Le DDT et le lindane (HCH) sont des organochlorés, issus de la chimie du chlore.
La vérité sur la toxicité du DDT
La vérité sur la toxicité du DDT (Dichlorodiphényltrichloroéthane), à savoir sa contamination pour l’environnement, éclate dans les années 1960. Cet organochloré s’accumule dans toute la chaîne du vivant – en particulier chez les plus gros prédateurs, rapaces, poissons, et chez l’homme bien sûr. Le DDT sera interdit aux Etats-Unis en 1972, et un peu plus tard en Europe. Mais le lindane, autre neurotoxique, sera largement utilisé dans l’agriculture (grandes cultures, vigne..), l’arboriculture et l’horticulture. La France ne l’a interdit qu’en 1998.
Le blocage des neurotransmetteurs
Fin des années 1960, de nouvelles familles de pesticides, les organophosphorés et les carbamates ont pris la relève du DDT et des organochlorés. Les organophosphorés bloquent les neurotransmetteurs et la capacité des neurones de communiquer entre eux. Les organophosphorés vont s’avérer beaucoup plus nocifs qu’on ne l’imaginait et être retirés de la circulation, tel le phosalone, utilisé pour traiter les arbres fruitiers, et tardivement interdit par la Commission européenne en 2007.
Des bombes chimiques
Dans les années 1970, apparaissent les pyréthrinoïdes utilisés notamment pour lutter contre la chrysomèle, un coléoptère ravageur des cultures du maïs. Puis, une vingtaine d’années plus tard, ce sont les néonicotinoïdes, des molécules apparentées à la nicotine qui se fixent sur les récepteurs neuronaux et provoquent la paralysie. Ces bombes chimiques ont une puissance difficilement imaginable. Elles sont efficaces à des concentrations infimes de l’ordre du nanogramme (milliardième de gramme) par kilo, voire du picogramme (millième de milliardième de gramme) par kilo.
Gaucho et fipronil
Le plus connu des néonicotinoïdes est l’imidaclopride, commercialisé sous le nom de Gaucho, qui a été largement utilisé en France sur les céréales (blé, orge, avoine…) avant d’être finalement interdit grâce à l’obstination des défenseurs des abeilles. [TB1] Autre insecticide vedette », le fipronil, la matière active de l’insecticide Régent-TS®, l’un des insecticides les plus controversés.
Active dans les sols et l’eau
La rémanence des néonicotinoïdes (le fait de retrouver de la substance active dans les sols et l’eau des années après l’utilisation du produit) est extrêmement élevée. Tout comme leur propension à s’accumuler dans la chaîne alimentaire. On a mis en évidence des résidus toxiques dans le lait de bovins nourris avec du maïs traité avec du fipronil (interdit en usage agricole en 2004), tout comme dans les fruits et légumes traités.
L’erreur commune est de penser que ces produits chimiques utilisés couramment par les agriculteurs se dissipent de façon spontanée dans la nature. Ce serait faire peu cas de la contamination des sols et des nappes phréatiques. Ce serait refuser de voir que les fruits et légumes portent des traces de nombreuses substances toxiques. Ce serait croire que, par un curieux miracle, les mammifères, et l’homme ne sont pas touchés par cette toxicité.
Bernard Duran
www.journaldelenvironnement.net
Les abeilles, la planète et le citoyen. Bernard Duran. 2010. Editions Rue de l’Echiquier.