Faussement abondante, l’eau, est en train de devenir la ressource la plus rare et la plus précieuse de la Terre. Malgré toutes les alarmes lancées depuis plusieurs années, la prise de conscience est très insuffisante.
Un gaspillage généralisé
70% de la surface de la planète est couverte d’océans. Mais seulement 3% de l’eau sur terre (hydrosphère) est douce. Près des trois-quarts de cette eau douce sont des glaces polaires, l’autre quart des eaux souterraines, soit une part infime en eaux de superficie. En réalité, seul 0,01% (un centime de pourcent) de l’eau sur Terre est directement utilisable.
Ressource faussement abondante, l’eau est consommée de façon irrationnelle, voire gaspillée sans vergogne un peu partout dans le monde. Les prélèvement d’eau douce ont triplé depuis 50 ans, en grande partie à cause de la pression démographique et de l’extension des surfaces cultivées et irriguées, en particulier en Asie (Inde, Chine, Pakistan…).
Selon une étude du CNRS (1), les hommes prélèvent environ 3 800 à 4 000 milliards de mètres cubes d’eau douce par an pour leurs différents usages. Chaque année, la demande en eau potable augmenterait de 64 milliards de m3. Et la FAO (2) de constater de façon lucide : « Le plus grave est probablement que l’homme n’a pas encore compris ni reconnu que les disponibilités en eau sont finies. Tout le monde est pourtant d’accord pour reconnaître que la rareté croissante de l’eau douce et le mauvais usage que l’on en fait menacent gravement le développement durable. »
L’agriculture, la grande consommatrice
La seule nécessité de nourrir 7 milliards d’humains suffit à « pomper » l’essentiel des ressources hydriques consommées. On estime en règle générale que l’agriculture représente 70 % de la consommation d’eau, contre 20% pour l’industrie et 10% pour les besoins domestiques. Selon la FAO, les deux-tiers de l’eau tirée des cours d’eau, des lacs et des couches aquifères sert à l’irrigation. C’est tout le modèle agricole – et au-delà nos modes d’alimentation -, en particulier l’élevage intensif, qui est en cause. Si la consommation de viande et de lait continue à augmenter au même rythme, les besoins en eau pourraient doubler d’ici au milieu du siècle. Non seulement l’agriculture consomme énormément d’eau mais elle pollue les ressources aquifères en déversant nitrates et phosphates, issus des engrais Autre source de gaspillage incriminée, la filière des biocarburants. On estime qu’il faut entre 1 000 et 4 000 litres d’eau pour faire un litre de biocarburant !
La pollution des nappes phréatiques, une aberration supplémentaire
Les déchets industriels et urbains polluent les eaux de superficie (cours d’eau, lacs…). Environ un quart des grands cours d’eau en Europe sont gravement pollués. La France a vu disparaître 50% de ces zones humides au cours des trente dernières années, a calculé le WWF. Simultanément, les nappes phréatiques sont atteintes par la pollution des sols et les eaux de ruissellement chargées de pesticides, nitrates, contaminants chimiques (PCB, dioxines…). Les réserves d’eau (le « capital ») sont alors touchées, phénomène très inquiétant car ces réserves se renouvellent très difficilement.
Le changement climatique, facteur de sècheresse
Le réchauffement climatique devrait entraîner une accélération du cycle hydrologique à l’échelle planétaire, donc des phénomènes accentués d’évaporation et de précipitations, impliquant davantage de vagues de sècheresse et d’inondations. Une telle évolution va se traduire par de graves pénuries d’eau dans les régions arides et semi-arides.
Dans des pays peu avancés, la situation sera très préoccupante. En Afrique, le manque d’infrastructures sanitaires fait que seulement 4% des réserves en eau sont exploitées. On estime que 85% des eaux usées dues aux activités humaines sont rejetées dans la nature, sans épuration, participant à la pollution de la nature et … de l’eau potable.
Le monde sous stress hydrique
La majorité des experts prédisent ainsi une explosion de la consommation en eau, une dégradation de sa qualité (à cause de la pollution et des rejets d’eaux usées), et de graves problèmes de ravitaillement en eau pour une partie croissante de l’humanité. Selon les Nations Unies, la moitié, voire les deux-tiers de la population mondiale pourraient être confrontées à des « stress hydriques » vers 2030. Les mégapoles de plusieurs millions d’habitants des pays les moins développés seraient parmi les plus concernées par cette pénurie d’eau potable.
JC Nathan
(1) La situation mondiale de l’alimentation et de l’agriculture 1993. www.fao.org
(2) Gestion de l’eau : Parole d’expert Bernard Barraqué, directeur de recherche, Journal du CNRS/septembre 2004
(3) www.goodplanet.info
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Fiche produit : L’eau
Fiche Pesticides