Des fraudes dans le secteur des grandes marques d’eaux minérales, dites eaux naturelles (Vittel, Contrex, Hépar, Perrier, St-Yorre, Cristalline, Vichy Célestins…). Les industriels trichent et contournent la règlementation sanitaire depuis des années.
Les eaux minérales (eaux naturelles) vendues parfois plus d’un euro le litre sont moins naturelles que promis. Une enquête du journal Le Monde et de Radio France révèle diverses fraudes et entorses à la règlementation sanitaire, couverte par le gouvernement.
Divers grands industriels trichent depuis 2019 pour régler des questions de pollution. Les embouteilleurs (groupe Nestlé, société Alma…) adoptent à l’époque des pratiques illégales : mélanges d’eaux non autorisés, mélanges occasionnels avec l’eau du robinet, ajout de gaz carbonique industriel dans des eaux minérales supposées « naturellement gazeuses », traitements non autorisés pour lutter contre des contaminations à la source, désinfection de l’eau à l’ozone, filtration de l’eau aux UV….
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Risques de contaminations bactériennes ou chimiques
Les traitements ont notamment pour but d’enrayer des risques de contaminations bactériennes ou chimiques. Mais ces interventions sur des eaux dites naturelles ne sont pas autorisés : traitées, les eaux perdent leur statut de « naturelle » et devraient théoriquement être étiquetées « eau rendue potable par traitement », ce qui n’est pas très « glamour » pour les consommateurs qui payent très cher le rêve d’une eau pure.
Les industriels vont donc se passer de toute mise en conformité durant plusieurs années et dissimuler leurs traitements afin d’échapper aux contrôles des pouvoirs publics (en l’occurrence les Agences Régionales de la Santé).
La microfiltration à 0,8 microns
Au moment où l’administration repère ces fraudes, Nestlé Waters rencontre les représentants du gouvernement en août 2021 pour négocier leur situation peu conforme et demander l’assouplissement des règles. Une enquête de l’IGAS est déclenchée qui confirme ces traitements non autorisés, en particulier celui de la microfiltration, sous la barre des 0,8 microns. Or, une telle filtration est interdite pour les eaux naturelles, car cela s’assimile à un traitement de désinfection et cela change la nature de l’eau.
Des virus même dans les eaux filtrées
En février 2023, le gouvernement change la règlementation nationale et donne aux préfets la possibilité d’autoriser les industriels à de telles microfiltrations. Bien entendu, les consommateurs n’en sont pas avertis. Il serait tentant de ne pas accorder trop d’importance à ces diverses entorses à la règlementation sanitaire. Après tout, pourquoi se plaindre de traitement anti-bactériens, quitte à perdre un peu de « naturel ». Le problème, selon certains experts, est que la microfiltration n’est pas une panacée. Notamment, elle ne filtre pas des organismes aussi petits que les virus.
Dès lors, des eaux naturelles, réputées très pures, peuvent aussi être source d’infections (gastro-entérites par exemple) et les traitements appliqués ne garantiraient pas toujours leur qualité absolue.
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JC Nathan
sources : Radiofrance