Jean-Michel Lecerf, nutritionniste anti-régimes

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Jean-Michel Lecerf est médecin, spécialiste en endocrinologie et maladies métaboliques (dyslipidémies, obésité, diabète), chef du service Nutrition à l’Institut Pasteur de Lille. Il vient de publier chez Odile Jacob, un essai intitulé « A chacun son vrai poids ».

 

Quel est le problème majeur soulevé par la vogue des régimes ?

 

Le surpoids peut être à l’origine d’une préoccupation médicale justifiée, car il est dans certains cas une cause de problèmes de santé. Mais simultanément, la question du poids se télescope avec des considérations d’image, d’apparence, un mythe de l’idéal minceur, garantie de santé et de bonheur. On culpabilise les personnes en surpoids, on leur adresse une injonction d’amaigrissement.

 

Comment faudrait-il aborder le surpoids ?

 

On oublie que le surpoids ou l’obésité recouvrent des affections complexes aux causes et aux conséquences multiples et hétérogènes. Chaque prise en charge est spécifique car on a des profils très divers en fonction de l’âge, de la pathologie… Or, les tenants des régimes laissent entendre qu’il y a une solution unique : manger moins. Avec une telle approche, on est presque sûr de râter son coup. La majorité des personnes suivant des régimes sont en échec au bout de quelques années. On voit arriver en consultation des gens ravagés, qui n’ont plus aucune estime d’eux mêmes.

 

Certains mécanismes entraînent des résistances à l’amaigrissement ou favorisent la reprise de poids ?

 

Les régimes inappropriés ont des conséquences multiples. Les premières d’entre elles sont les troubles du comportement alimentaire. On parle de restrictions cognitives avec des phases de culpabilité (« je n’aurais pas dû manger cela ») et de frustration (« je voudrais en manger mais je ne peux pas ») ; des pertes de repères alimentaires (on pense en bons et mauvais aliments) ce qui génère de l’angoisse, des difficultés à ressentir la faim et le rassasiement ; et bien sûr divers sentiments négatifs (mésestime de soi, sentiment d’être nul, autodépréciation…).

 

Vous mentionnez également les conséquences métaboliques négatives des régimes…

 

Un régime restrictif (hypocalorique, hypoglucidique) va entraîner une perte de masse maigre (masse musculaire, masse osseuse).  La nécessité de fournir 140 g de glucose quotidiennement au cerveau conduit le corps à détourner des protéines musculaires, ce qui va générer une diminution de la masse musculaire, et par conséquence du métabolisme de base et des dépenses énergétiques. Cela favorise la reprise de poids dès le sujet se remet à manger davantage, du fait notamment d’un sentiment de manque. Le gain de poids se fait au profit des adipocytes (cellules spécialisées dans le stockage de graisse) car la masse maigre se reconstitue plus lentement, et cela d’autant plus que le sujet est âgé et inactif.

 

Que faudrait-il faire pour améliorer la prise en  charge de ce type d’affection ?

 

L’obésité est une pathologie qui exige un avis médical, avis qui doit viser des objectifs modérés. On ne devrait pas laisser cette affection aux mains de « guérisseurs » et autres vendeurs de maigritude.

 

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