L’énorme scandale de la fraude de viande de cheval en lieu et place de la viande de boeuf souligne une fois encore l’absolue nécessité d’un solide système de contrôle sanitaire de l’alimentaire.
Retour sur les faits : A la mi-janvier, les autorités britanniques découvrent que des plats préparés et des hamburgers réalisés avec de la viande provenant d’usines en Irlande et au Royaume-Uni contiennent de la viande de cheval dans de fortes proportions (60% à 75%). Jusqu’à 10 millions de hamburgers surgelés sont retirés par des grandes chaînes de supermarchés (Tesco, Lidl, Aldi, Iceland…). Impliqué dans le scandale, Burger King nie les faits puis finit par reconnaître que ses hamburgers ont aussi contenu de la viande de cheval
Trois semaines plus tard, l’affaire s’est élargie. La France et la Suède découvrent que des produits surgelés de la marque Findus tels que des lasagnes ou d’autres produits à base de bœuf (moussaka, hachis parmentier) contiennent jusqu’à 100% de viande de cheval. Auchan, Casino, Carrefour, Cora, Monoprix, Picard… interrompent la commercialisation de ces produits « du fait d’une non-conformité d’étiquetage quant à la nature de la viande».
Désormais, le scandale est à l’échelle européenne, la fraude semble être organisée à une vaste échelle.
Des circuits opaques
Le seul exemple du circuit des produits Findus (marque d’origine suédoise) donne le tournis. Les plats Findus distribués en France sont fabriqués le fabricant français Comigel dans son usine de Capellen, au Luxembourg. Comigel achète la viande transformée au négociant Spanghero, implanté à Castelnaudary (Aude). La viande achetée par Spanghero provient d’un abattoir roumain, mais ce type de transactions semble impliquer des traders de différentes nationalités (Chypre, Pays-Bas…).
Or, selon le président de Findus Nordic, Jari Latvanen, le contrat avec Comigel spécifiait que la viande devait venir de France, d’Allemagne ou d’Autriche.
Dans de tels entrelacs du négoce, que signifie encore le principe sacro-saint de traçabilité brandi par toute l’industrie de la viande comme la protection absolue du consommateur ? Selon certains professionnels, la traçabilité sur un ingrédient comme le minerais (le composant de viande utilisée dans les plats préparés) n’est pas effective. Dès lors, le tour de passe-passe d’une viande de cheval soit-disant viande de boeuf devient très aisée.
Des fraudes récurrentes
Les filières de la viande sont parmi les plus exposées à des tromperies graves. Récemment, la Suède a découvert qu’une centaine de tonnes de viande de porc avaient été teintées et commercialisées comme du filet de bœuf ! Fin 2010, ce sont plusieurs milliers de fermes en Allemagne qui fermaient après que l’on ait découvert que les poules avaient été nourries avec des graisses frelatées d’origine industrielle. Sans être qualifiable de fraude, l’affaire de la vache folle (1996-1998) et de l’encéphalite spongiforme bovine (ESB) a révélé les excès liés à une recherche effrénée de rentabilité. Le grand public a découvert l’usage pour le moins troublant des farines animales (carcasses de bovins) dans l’alimentation du bétail, mais aussi des poulets et des poissons d’élevage.
L’affaire des lasagnes et hamburgers de cheval, ajoutée à une longue liste de fraudes majeures, ne peut que rappeler l’importance cruciale des contrôles publics, réalisés en France par la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) et des services vétérinaires. Reste à savoir si ces services ont encore les moyens de remplir leurs missions dans une économie de plus en plus complexe et de moins en moins transparente.
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