Françoise Médale, chercheuse Aquaculture

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Inra Nutrition Aquaculture

Inra Nutrition Aquaculture

« La pêche ne peut pas fournir assez de ressources pour l’aquaculture« .

 

Françoise Médale, responsable de l’unité INRA Nutrition Métabolisme Aquaculture

 

Comment analysez-vous la décision de Bruxelles d’autoriser les produits d’origine animale dans l’aquaculture ?

 

La Commission européenne s’est interrogée sur le fait de continuer à interdire l’usage de certaines protéines d’origine animale dans l’alimentation des animaux monogastriques (volailles, porc, poissons) dans le contexte de la crise alimentaire mondiale. Elle a demandé des études scientifiques pour évaluer l’intérêt nutritionnel de ces produits et les risques liés au prion et à la prévalence de l’ESB. Il a été prouvé qu’il n’y a pas de risques identifiés pour les produits de porc et de volailles destinés à l’alimentation humaine. Au vu de ces résultats, Bruxelles a décidé d’autoriser l’introduction de ces produits dans les aliments pour les animaux de l’aquaculture.

 

Qu’en est-il de l’évaluation de ce risque ?

 

En fait, les études ont montré qu’il n’y a pas de risque de prion avec des produits d’animaux transformés provenant de volailles et de porcs. L’autorisation est donc restreinte à des produits d’origine porcine ou avicole. Pour évaluer ce risque, on a inoculé le prion à des volailles et des porcs. On a pu constater que le prion ne se développe pas. Mais il est hors de question d’introduire des produits animaux provenant de ruminants (ovins, bovins).

 

Ne peut-on pas reposer uniquement sur les farines de poissons ?

 

L’aquaculture se développe très vite dans le monde. La pêche ne peut pas fournir assez de ressources. La production de farines et d’huiles de poissons est limitée. Aujourd’hui, la farine de poisson, aux alentours de 1800 euros la tonne, est désormais  très chère.

La part de ces ressources issues de la pêche dans les aliments aquacoles a d’ailleurs chuté. Il y a 15 ans, les farines et huiles de poisson représentaient 70 à 80 % de la ration des poissons élevés en Europe. Aujourd’hui, on est tombé à environ 15%.

 

Pourquoi ne pas leur donner 100% de nourriture végétale ?

 

Les poissons ont moins d’appétence pour les aliments végétaux. De plus ils ont besoin de 30 à 50% de protéines dans leur ration, il faut donc des aliments concentrés en protéines. . On essaye donc d’améliorer les formules alimentaires. Pour remplacer la farine de poisson, nous mélangeons des sources de protéines (soja, pois, lupin…) afin de trouver les meilleurs profils en acides aminés.

Mais les végétaux présentent aussi des facteurs défavorables à l’appétit et à la digestion. Le saumon par exemple est très sensible à certains éléments anti-digestifs présents dans le soja. Du coup, la recherche s’oriente sur l’amélioration génétique des plantes afin de diminuer les facteurs anti-nutritionnels des végétaux.

 

Autre piste de recherche, on sélectionne des animaux plus adaptés à cette alimentation végétale La truite arc-en-ciel est naturellement piscivore. On lui a donné des aliments avec 0% de farine de poisson. On a ensuite sélectionné les individus qui ont le plus d’aptitudes à consommer cette nourriture végétale et à la transformer pour grandir. Nous en sommes à la seconde génération.

 

 

Il y a des espèces qui sont moins « piscivores ». Pourquoi ne pas orienter l’aquaculture vers celles-ci ?

 

Les truites et les saumons sont certes piscivores, mais ce sont d’excellents « transformateurs » : avec 1 kg d’aliments, on peut produire près d’1 kg de poisson alors qu’il faut quasiment le double dans le cas des carpes et des tilapias qui sont plus tournés vers l’alimentation végétale.

 

Comment l’aquaculture va-t-elle réagir aux récentes dispositions communautaires ?

 

Les aquaculteurs sont prudents avec ces questions. Ils ne vont pas réintroduire soudainement des produits d’origine animale. Il va falloir tester ces nouveaux produits, évaluer leurs avantages nutritionnels mais aussi leur acceptabilité. Dans tous les cas, l’alimentation d’origine végétale va rester primordiale. Mais il est vrai que les compléments d’origine animale peuvent représenter un moyen d’améliorer les rations, sans avoir recours aux matières d’origine marine.

 

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