Christian Huyghe, l’Inra et les pesticides

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C Huygue Inra pesticides

Christian Huyghe, directeur scientifique adjoint de l’Institut National de la Recherche Agronomique (INRA) analyse les conditions de la sortie des pesticides dans une interview à Alimentation Générale. Les propos du haut responsable de l’Inra mettent en lumière la complexité du problème. Extraits.

 

 

 

Changement d’approche concernant l’exposition aux pesticides 

 

 

« D’une part, on arrête de regarder séparément les expositions aux phtalates des bouteilles plastiques, l’exposition aux pesticides, l’exposition aux poussières, et on recherche une vision beaucoup plus globale sur l’ensemble des expositions que l’être humain subit, soit en même temps, soit de façon échelonnée. D’autre part, contrairement aux expositions aiguës, on n’arrive toujours pas à bien mesurer les expositions sur une longue période à des doses très faibles. On a encore beaucoup de mal à mesurer les effets cocktail avec différents pesticides, mais aussi avec différents types d’expositions.  »

 

 

Difficultés à mesurer l’exposition selon les personnes et les endroits

 

 

« En fonction de l’endroit où vivent les gens, à la campagne ou en ville, en fonction de leur âge, on n’a pas les mêmes incidences. Par ailleurs, il y a une vraie question sur la femme enceinte : quelle est l’incidence sur son bébé? Est-ce que ce que l’embryon subit durant la grossesse a une incidence sur son développement futur et même sur le développement de ses propres enfants ? Il faut réussir à comprendre tout ceci. »

 

 

Sortir des pesticides

 

 

« Cela suppose de pouvoir proposer des méthodes alternatives crédibles et fiables. La méthode qui consiste à dire « ne vous inquiétez pas, on a enlevé tous les phytos et on trouvera une solution » n’est pas très responsable. A la fois parce que cela n’offre aucune solution pour les agriculteurs et que ceci menace leur activité économique. Mais aussi parce que cela fait peser une menace sur la ressource alimentaire avec comme conséquence potentielle une montée du prix à la consommation pouvant engendrer une inégalité sociale d’accès à une alimentation saine en quantité suffisante. »

 

 

Réduire progressivement ou viser l’horizon zéro pesticide

 

 

« Est-ce que nous voulons sortir des pesticides définitivement et notre horizon est alors zéro pesticide de synthèse ? Ou est-ce qu’il est de réduire les pesticides progressivement de moins de 25 %, moins de 30 %, etc. ? Ce n’est pas la même chose ! Si on réduit d’une fraction, on remplace un pesticide par autre chose mais on ne change pas le reste, on continue à produire la même chose dans la même région. Par contre, si on veut arriver à long terme au résultat zéro, il faut reconsidérer les choses en profondeur en acceptant des pas de temps longs. Et donc on ne produira plus la même chose et certainement pas de la même façon. »

 

 

Viticulture : on peut assez facilement sortir des pesticides.

 

« Il faut mettre des cépages nouveaux qu’on est en train de créer, de passer à une végétation tondue plutôt qu’à une végétation qu’on désherbe, en positionnant les pesticides en fonction de l’état de végétation et en remplaçant les insecticides par le biocontrôle avec de la confusion sexuelle des insectes. De cette façon, on réduit de 90% l’usage des phytos.

Mais les gens veulent boire le même type de vin qu’avant, le merlot, le cabernet sauvignon, le cabernet franc… L’exemple de la vigne est intéressant car il suppose l’acceptation de changements profonds par la société. On voit bien que si on veut conserver les mêmes cépages qu’aujourd’hui, et boire le même type de vin, il est difficile de réduire fortement l’usage de pesticides. (…). Il faudra que le consommateur et le citoyen soient cohérents. Le consommateur disant « je veux le même vin » et le citoyen disant « je ne veux pas les pesticides », ne sont pas cohérents. »

 

Sortie complexe

 

« La sortie des pesticides à long terme est possible et souhaitable mais elle ne se fera pas en un claquement de doigts. On va créer des systèmes qui vont être plus complexes, et c’est ce qu’il faut réussir à imaginer – comment créer des systèmes complexes mais qui restent pilotables et pas compliqués en utilisation. Il est hors de question de rendre la vie impossible aux agriculteurs. »

 

Sources : Extraits de l’interview de Christian Huyghe par Guélia Pevzner – Mardi 03 avril 2018  pour Alimentation Générale