Hélène Lucas : coordinatrice de la Wheat Initiative

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H. Lucas Wheat Initiative

H. Lucas Wheat Initiative

Le blé : + 60% pour nourrir la population mondiale en 2050

 

La Wheat Initiative est un consortium international regroupant un large panel d’institutions publiques et d’entreprises privées, créé dans le cadre du plan d’action 2011 du G20 agricole.  Il se donne pour mission de coordonner les recherches sur le blé dans le monde afin de contribuer à la sécurité alimentaire globale. 

 

Hélène Lucas, coordinatrice scientifique internationale de la Wheat Initiative

 

 

Les données économiques disponibles laissent entrevoir un manque de blé au niveau mondial dans le futur. Quelle est la situation ?

 

« La production de blé a atteint 653 millions de tonnes en 2010. Pour nourrir une population mondiale évaluée à 9,3 milliards de personnes en 2050, il va falloir augmenter la production  de 60%. La hausse moyenne des rendements n’est actuellement que de 1,1% par an; et nous ne pouvons pas miser sur la mise en culture de nouvelles surfaces pour diverses raisons (en particulier, la lutte contre la déforestation). Il faut donc absolument améliorer les rendements, d’autant que les changements climatiques à l’œuvre sont défavorables à la culture du blé, une céréale sensible aux températures élevées et à la sècheresse. »

 

De combien doivent augmenter les rendements pour atteindre à terme une production suffisante ?

 

« Pour atteindre l’équilibre, il faut que les rendements augmentent en moyenne de 1,6% par an jusqu’en 2050. Des pays comme la France et le Royaume-Uni pourront difficilement augmenter à ce rythme leurs rendements, déjà élevés. En Afrique, on se situe en revanche en dessous des rendements moyens de 3 tonnes à l’hectare. On peut encore fortement améliorer la productivité, par exemple avec des conduites de cultures appropriées et des variétés adaptées aux conditions pédoclimatiques. »

 

La motivation principale de la Wheat Initiative est de favoriser la coopération internationale des différentes équipes de recherche dans le monde. Quel est le problème ?

 

« Ces dernières années, le blé a été le parent pauvre en termes de recherches, par exemple par rapport au maïs. Depuis trois ans, il y a une prise de conscience des enjeux fondamentaux autour du blé. Des recherches reprennent sur l’amélioration et la création  de variétés de blé. Mais ces recherches se font un peu dans le désordre. On parviendra à atteindre les objectifs affichés si l’on coordonne au niveau mondial tous les efforts de recherche, publics et privés. L’idée est de se répartir et/ou de conduire ensemble les recherches et d’en partager les fruits. »

 

Quels sont les axes prioritaires de recherche ?

 

« D’ores et déjà, la Wheat Initiative a identifié comme prioritaire la mise en place d’un système d’information partagé, dédié au blé, auquel les biologistes et sélectionneurs du monde entier auront accès. La seconde priorité identifiée est la finalisation du séquençage du génome du blé à haut niveau de qualité. Un consortium de recherche, IWGSC, déjà engagé sur cette recherche, propose une stratégie pour y parvenir à la fin 2016, à condition d’y consacrer environ15,5 millions d’euros. »

 

Que va apporter le séquençage du génome du blé ?

 

« Le séquençage complet va permettre d’identifier les gènes de caractères intéressants et rendre ainsi beaucoup plus efficace le travail des sélectionneurs. Le but est d’obtenir des variétés de meilleur rendement, ou affichant de plus fortes résistances aux maladies, à la chaleur, au stress hydrique, ou encore des variétés qui augmentent l’efficience d’utilisation des intrants comme l’azote. Le séquençage va également permettre de disposer d’un très grand nombre de marqueurs répartis sur l’ensemble du génome du blé pour mettre en oeuvre de nouvelles méthodes de sélection comme la sélection génomique. »

 

 

Quels sont les autres aspects de la recherche concernés ?

 

« Les recherches doivent aussi porter sur les qualités technologiques et nutritionnelles des variétés de blés, aspects qui intéressent les transformateurs du blé en produits finis. Les enjeux sont aussi de nature plus agronomique. Par exemple, adapter les variétés de blé à la diversité des conditions environnementales ou des modes de cultures dans les zones de production. »

 

Crédit photo : © INRA/C. Maître