Le Pdg humaniste Emmanuel Faber, Danone et le profit

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Faber Danone

Emmanuel Faber, ex-Pdg de Danone ! L’une des plus grosses multinationales européennes de l’agro-alimentaire avait nommé un humaniste à sa tête en 2017. Une façon de faire souffler l’esprit « social » du fondateur de Danone, Antoine Riboud. Cette sainte alchimie a duré jusqu’en 2021. 

 

Le groupe Danone pèse 23,4 milliards d’euros de chiffres d’affaires (2024). L’entreprise emploie environ 90 000 personnes et elle vend ses produits (produits laitiers, eaux minérales, biscuits, nutrition infantile…) dans 130 pays. Ce mastodonte avait nommé à sa tête en 2017 un humaniste.  Emmanuel Faber, précédemment directeur général. Visage allongé, cheveux courts et gris, sourire sincère, ses propos détonnaient dans le cadre d’une des plus grandes entreprises agro-alimentaires européennes.

 

 

Riboud et le développement durable

 

 

Emmanuel Faber était entré chez Danone il y a vingt ans, en 1997. Il avait gravé les échelons un à un pour devenir directeur général en 2014, et président-directeur général au 1° décembre 2017 en remplacement de Franck Riboud, fils du fondateur de l’entreprise, Antoine Riboud. Ce dernier avait créé Danone en fusionnant en 1972 l’entreprise de verre, BSN, avec Gervais Danone. Antoine Riboud n’était pas n’importe quel patron. Il fut l’un des premiers dirigeants à défendre la notion de développement durable, et il s’engagea en faveur de la réduction du temps de travail.

 

Chez Mère Teresa

 

Emmanuel Faber, catholique revendiqué, tranchait dans le paysage gris métallisé des dirigeants d’entreprises du CAC 40. Des étudiants de HEC qui l’interrogeaient avaient ainsi découvert que le dirigeant de Danone avait fréquenté un des centres ouverts par Mère Teresa en Inde, pour… faire le ménage et des pansements.

 

 

Bombay, Jakarta, Aubervilliers, Calais…

 

Delhi n’était ni « un coup de com », ni un coup d’essai. On avait ainsi appris que cet homme « engagé » avait fréquenté de nombreux dispensaires et bidonvilles (Bombay, Nairobi, Jakarta) ou des lieux moins exotiques – mais tout autant « sociaux », un bidonville à Aubervilliers, les campements de la « Jungle » de Calais….

 

Justice sociale, bien-être, bio….

 

 

Emmanuel Faber tenait un discours peu conventionnel dans les sphères dirigeantes : “Après toutes ces décennies de croissance, l’enjeu de l’économie, c’est la justice sociale”, déclarait-il. « Il faut arrêter d’opposer d’un côté une sphère économique dans laquelle chacun ne pense qu’au profit et à son intérêt propre et, de l’autre, une sphère sociale dans laquelle on répare les dégâts ! ». Dans le domaine strictement alimentaire, il défendait une approche soucieuse d’environnement, de bien-être, de bio et de traçabilité.

 

Durant les quatre années passées à la tête du géant des laitages, il continuera à propager ses « valeurs humanistes », notamment en introduisant dans les statuts, des objectifs « sociaux, sociétaux et environnementaux ». Mais le « business » de Danone va être perturbé, en particulier par le Covid et la baisse de la natalité. Le cours des actions de Danone s’est effrité. Danone se fait distancer par Nestlé et Unilever. En mars 2021, des fonds actionnaires de Danone réclament sa tête. Il est « remercié ».

 

Ce PDG atypique et sympathique rebondit en prenant la tête  de l’ISSB (International Sustainability Standards Board, c’est-à-dire le Conseil international des normes de durabilité), organisme qui créé des normes d’information financière en matière de développement durable et d’information environnementale. Un poste où il n’est plus déchiré entre ses conceptions sociales et environnementales, et les exigences des marchés.

 

 

JC Nathan