Georges Favre, mesureur de nanoparticules

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Favre LNE nanotech

Georges Favre est directeur de LNE-Nanotech, institut dédié à la métrologie pour les nanotechnologies (1). L’objectif de cet institut est d’étudier les nanomatériaux et les nanodispositifs pour aider à mettre au point les outils nécessaires à la fiabilisation des mesures à l’échelle du nanomètre.

Le 3 décembre 2019, le LNE organise une journée technique « Additifs, nanoparticules et alimentation ».

 

 

 

Où en est-on de l’usage des nanomatériaux  ? On parle d’un recours croissant à ces susbtances de taille réduite.

 

L’utilisation de ce type de substances n’est pas nouveau en soit, même si de nouvelles formes de plus en plus complexes sont mises sur le marché régulièrement pour des applications qui vont bien au-delà des seuls secteurs agro-alimentaire et cosmétiques.

 

 

 

Que recouvrent les termes de nanoparticule et de nanomatériaux ?

 

Il y a une définition précise, scientifique et règlementaire de ce qu’on entend par nanoparticule : « matériau dont les trois dimensions caractéristiques externes sont à la nano-échelle, entre 1 et 100 nanomètres ». En revanche, le concept de nanomatériaux est beaucoup plus complexe à appréhender car les définitions retenues peuvent varier d’un secteur industriel à l’autre. Différents critères peuvent en effet être considérés, depuis le pourcentage de nanoparticules devant être présentes dans la substance, leur caractère insoluble ou non (cosmétiques). Dans certains cas, il faut prendre en compte des structures de taille supérieure à 100 nm mais qui conservent des propriétés spécifiques des nanoparticules comme leur grande surface d’échange (agro-alimentaire).

 

NDLR : un nanomètre = un milliardième de mètre (un millionnième de mm)

 

 

 

L’Europe a fait une recommandation qui se base sur le dénombrement des particules : un matériau dont au moins 50% en nombre des particules sont des nanoparticules. N’est-ce pas suffisant ?

 

Tout d’abord, toutes les industries n’ont pas retenu ce principe de seuil. C’est d’ailleurs pour parer à ces définitions multiples rencontrées dans les différents secteurs que l’Europe a proposé une recommandation de définition en 2011. Ensuite, définir le caractère « nano » d’un matériau est extrêmement complexe : les nanoparticules peuvent se regrouper en amas de taille variable, qualifiés d’agglomérats ou d’agrégats selon les forces qui retiennent les particules au sein de ces « grappes de raisin ».

 

Ces amas peuvent évoluer au cours de la vie de la substance selon les conditions d’exposition (température, pH, …). Le type de technologie utilisée pour réaliser les mesures va aussi entrer en ligne de compte, puisque toutes les techniques ne donneront pas forcément les mêmes résultats.  Il est ainsi crucial de choisir une technique de mesure adaptée aux spécificités de la substance que l’on considère. Or, cet aspect n’est pas encore maîtrisé par l’ensemble des acteurs concernés !

 

 

Le seul critère de la taille de la particule ne suffit pas à caractériser une nanoparticule ?

 

Non. Il faut considérer une dizaine de paramètres physico-chimiques : composition chimique, taille, distribution de tailles, forme des particules (sphère, bâtonnets, etc), aire de surface, charge électrique, chimie de surface…

 

 

Du coup, il semble difficile de généraliser un avis sur les nanomatériaux ?

 

Effectivement. On ne peut pas mettre tous les nanomatériaux dans un même paquet. Par exemple, cela ne rime à rien de stigmatiser le dioxyde de titane en tant que tel. Tout va dépendre du type de dioxyde de titane (qui sera différent selon les applications visées), du type d’utilisation…. Toute la difficulté consiste à établir des liens entre un ensemble de paramètres physico-chimiques et un type de risques.

 

 

Comment traiter la question des risques associés à la diffusion des nanoparticules ?

 

Il faut faire un travail poussé de caractérisation des particules pour définir les propriétés physico-chimiques de chaque nanomatériau avant toute évaluation de risque. Cela veut dire choisir les bons outils de mesure bien sûr. Mais aussi évaluer le comportement du produit qui contient ces nanoparticules aux différentes étapes clés de son cycle de vie (production, usage, fin de vie), notamment en ce qui concerne le devenir de ces nanoparticules et de leurs modifications éventuelles en fonction de l’environnement auxquelles elles peuvent être confrontées. Toutes ces questions sont complexes et nécessitent donc l’intervention d’acteurs experts.

 

 

 

Pensez-vous que l’on exagère les risques liés aux nanoparticules et aux nanomatériaux ?

 

Pendant une période, les professionnels n’ont probablement pas dispensé assez d’informations. Puis, les médias se sont emparés du sujet qui est malheureusement devenu alors très polémique, alors même que les nanomatériaux présentent un intérêt incontestable pour de nombreuses applications (santé, énergie…) et pour faire face à de nombreux enjeux actuels (remplacement de certaines ressources critiques, économie d’énergie…).

Cependant, dès lors qu’on libère des substances chimiques dans l’environnement, il y a un risque potentiel. Ce n’est jamais anodin. C’est le cas pour toute substance chimique. Il ne faut pas dramatiser, mais en même temps, il faut évaluer ces nouveaux risques, en fonction de chaque cadre d’application, de la toxicité éventuelle et de l’exposition.  Ce qui est nouveau, c’est que les nanomatériaux sont des substances chimiques très complexes et l’évaluation du risque est donc plus difficile à mener.

 

Sources : LNE-nanotech

 

 


 

Le rôle du Laboratoire National de métrologie et d’Essais (LNE) et de l’institut LNE-Nanotech 

 

Le Laboratoire National de métrologie et d’Essais, à l’aide de l’expertise qu’il a pu développer depuis plus de dix ans sur ces sujets et de ses plateformes d’analyse dédiées, travaillent à développer des outils de mesures (instruments, étalons, logiciels de traitement de données) et des protocoles appropriés et à la fiabilité maitrisée. Le but final est d’obtenir des résultats de mesure traçables du point métrologiques et donc comparables entre laboratoires afin d’améliorer la confiance de l’ensemble des acteurs dans ce genre de matériaux.

Il s’agit de parvenir à fournir des données de haute qualité pour une grande variété de nanomatériaux, de propriétés et de milieux : matrices environnementales (air, eau, suies), matrices biologiques (milieux de culture, cellules..), matrices industrielles (produits alimentaires, cosmétiques, peintures…) en réponse aux multiples enjeux associés (maitrise des performances, contrôle qualité, exigences réglementaires, support à l’évaluation des risques).