Pour le nutritionniste Christian Recchia, notre identité culinaire s’étiole et notre santé est en danger, en particulier chez les jeunes générations, de moins en moins éduquées au plaisir de l’alimentation et de la cuisine.
Vous parlez de « déstructuration alimentaire ». De quoi s’agit-il ?
De nos jours, nombreux sont ceux qui oublient de prendre le petit déjeuner, sautent un repas puis grignotent pour combler une petite faim. Le corps ne dispose pas des nutriments indispensables. Par ailleurs, les consommateurs ont perdu de vue ce qu’est un bon produit, sain, naturel et de saison. Nous varions moins notre nourriture que par le passé. Or, il ne faut jamais oublier que nous sommes ce que nous mangeons, à la molécule près.
Quelles sont les conséquences de cette alimentation déséquilibrée ?
L’alimentation est l’élément fondateur de notre santé. Aujourd’hui en France, une personne sur trois est en surpoids. Un enfant de moins de cinq ans sur cinq est en surcharge pondérale, alors qu’ils n’étaient que 1% il y a 50 ans. Plus de trois millions de personnes,
en France, souffrent de diabète. Ces risques sont liés à ce que nous mangeons.
Que pensez-vous de ce goût précoce et de plus en plus généralisé pour les produits trop gras et trop sucrés ?
La plupart des jeunes consomment l’équivalent de 50 morceaux de sucre par jour, dans un soda, une pizza ou du pain industriel. Ce sont des quantités énormes. Savez-vous que les produits sucrés sont les produits les plus vendus dans un supermarché ! A moyen-terme, cette alimentation a des effets désastreux sur la santé des enfants. Il va y avoir un impact sur l’espérance de vie, comme aux Etats Unis où celle-ci a diminué de trois ans. D’ores et déjà, les dépenses de santé augmentent plus rapidement que les dépenses pour se nourrir.
Quelles solutions préconisez-vous ?
Il faut rétablir le bon sens alimentaire. Construire une nouvelle stratégie alimentaire pour susciter, auprès de chaque citoyen, l’envie de manger des produits régionaux, de saison, respectueux de l’environnement et riches en nutriments. Le savoir-faire culinaire se perd. Nous devons renouer avec les traditions, les recettes de nos grands-parents. Par exemple, des plats traditionnels comme le couscous, la poule au pot, la paëlla ou le petit salé aux lentilles offrent une variété de nutriments très intéressante.
Il faut savoir donner un temps pour cuisiner et bien s’alimenter ?
Prendre le temps de bien choisir les aliments, de cuisiner. Et aussi bien manger, en se mettant au calme ou dans une ambiance musicale. Savoir se faire plaisir. Le repas est fait pour les échanges conviviaux. Il faut éviter de téléphoner ou de consulter son smartphone, éviter de travailler ou de se disputer.
Les parents ont une responsabilité vis-à-vis de leurs enfants à cet égard ?
Les parents peuvent transmettre à leurs enfants cette culture du « bien manger », et si possible un savoir-faire culinaire. Les enfants doivent participer à la préparation des repas. Bien manger s’apprend aussi à l’école. Il faut faire de la pédagogie sur les produits, remettre la qualité et le goût sur le devant de la scène. L’amélioration de notre alimentation est un enjeu de santé publique qui concerne tout le monde, pas seulement les pouvoirs publics.
Le bio, les jardins potagers, c’est le début de la solution ?
Les jardins potagers sont un luxe que tout le monde ne peut pas se permettre. Le bio est un début de solution, une alternative intéressante qui rencontre aujourd’hui un réel succès, après une période de méfiance des consommateurs. Mais la production bio ne représente que 2,5% de l’alimentation globale dans le monde.
Propos recueillis lors de la conférence « Des regards et des hommes », sur le thème « Alimentation : Changer tout ! », à la CCI Essonne le 9 juillet 2014