L’Europe prête à interdire trois pesticides pour sauver les abeilles

0
182
abeilles et environnement

abeilles et environnementMoment historique : la Commission européenne s’apprête à interdire trois pesticides majeurs, soupçonnés de contribuer au déclin des abeilles et des pollinisateurs.

 

Le lobbying des apiculteurs et la sensibilisation à la cause des abeilles (fortement fragilisées ces dernières années) a fini par payer : la Commission européenne devrait suspendre à compter du 1° décembre 2013 pour une durée de deux ans, la mise sur le marché de trois insecticides, l’imidaclopride, le thiaméthoxame et la clothianidine. Des molécules que le grand public connaît mieux sous leur nom commercial : Gaucho, Cruiser, Poncho.

 

Au milliardième de gramme près

 

Ces insecticides appartiennent à la famille des néonicotinoïdes (ils tuent les insectes par choc neurotoxique). Ils sont généralement utilisés pour protéger les cultures du maïs, du colza, ou du tournesol, sous la forme de semences enrobées d’une mince pellicule de produit chimique. La puissance de cette génération d’insecticides est gigantesque : les molécules agissent à l’échelle infiniment petite du milliardième de gramme (nanogramme), voire du millième de millardième de gramme (picogramme). Depuis une vingtaine d’années, les apiculteurs dénoncent les méfaits de ces substances pesticides sur les abeilles, en contact permanent avec un environnement contaminé.

 

Des pollinisateurs malades

 

Les abeilles sont malades. Selon les années et les régions, c’est parfois jusqu’à un tiers des colonies d’abeilles qui meurent durant la saison. Ce taux de mortalité est tout à fait anormal. De leur côté, l’ensemble des pollinisateurs sauvages (bourdons, papillons, abeilles sauvages, etc.) ne se porte pas bien, même s’il est plus difficile d’avoir des données précises sur ce sujet. La communauté scientifique craint que le déclin des pollinisateurs (dont l’abeille domestique) finisse par porter atteinte à la pollinisation naturelle, un éco-service crucial pour la production de fruits et légumes sur terre.

 

La responsabilité des pesticides est difficile à écarter

 

Les puissantes multinationales de la chimie (Bayer, BASF, Syngenta…) qui produisent et diffusent des insecticides ont toujours réfuté les attaques portées contre les pesticides, s’abritant derrière les autorisations officielles de mise sur le marché et l’absence de preuves formelles sur les liens entre pesticides et mortalité des abeilles. Mais plusieurs équipes scientifiques (en France, des chercheurs de l’Inra) ont prouvé que les abeilles étaient mortellement touchées à des doses  de produit infiniment petites. Depuis quelques années, un consensus semble émerger pour attribuer la fragilisation des abeilles à un ensemble de facteurs nocifs (contamination chimique, virus, acariens tel que le fameux varroa, incidences climatiques, moindres ressources nutritives…). Le monde de la chimie ne serait pas le seul à porter toute la responsabilité, mais il en prendrait une bonne part.

 

Une victoire mitigée

 

Avec l’interdiction prononcée par la Commission européenne, les apiculteurs européens viennent d’emporter une victoire symbolique. Mais cette décision ne suffit pas à restaurer la confiance parmi la profession. D’abord, les produits chimiques utilisés par les agriculteurs affichent en général une forte rémanence. Même une année à deux années après l’usage de certaines substances, on retrouve dans le sol et dans l’eau des traces non négligeables de contaminants chimiques. Ensuite, ces traitements chimiques restent autorisés sur nombre de cultures (en France, blé et orge, betteraves, légumes, cultures sous serre, vergers après la floraison). Enfin, les multinationales de la chimie qui investissent en permanence sur de nouvelles générations de produits, parviennent régulièrement, au gré des lobbyings, à décrocher des autorisations de mise sur le marché. Le dossier est donc loin d’être clos.

 

Bernard Duran

 

Crédit photo : Christel Bonnafoux

Sources :

Interdiction de pesticides tueurs d’abeilles : les questions en suspens

Audrey Garric. 30 avril 2013. www.lemonde.fr

http://controverses.sciences-po.fr

http://agriculture.greenpeace.fr