On ne peut plus lutter de façon séparée contre les épidémies virales du monde animal et celles concernant les humains. Il faut tout relier et apprendre à gérer globalement et de façon coordonnée toutes les questions de santé. C’est le principe de One health, « une seule santé ».
A chaque épidémie dans les élevages animaux (épizooties), se pose la question des risques pour les humains. Chaque vague de grippe aviaire qui fait des ravages dans les élevages de canards soulève le même type d’inquiétude. Le virus qui se répand à très grande vitesse chez les volailles peut-il passer à l’homme ?
Une mutation du virus
L’épizootie de grippe aviaire (H5N8, souche A du virus de grippe) venue d’Europe de l’Est, qui frappe les canards depuis l’été 2020, ne peut pas être à l’origine d’une épidémie virale pour l’homme. Pourtant, si le virus frappant les oiseaux est spécifique au monde animal, on ne peut en faire un événement anodin. L’OMS dit qu’il faut toujours craindre « une mutation du virus qui faciliterait la transmission interhumaine et présenterait un risque de pandémie de grippe ».
Une seule santé
En novembre dernier, un collectif de chercheurs, de médecins et de vétérinaires, dans une tribune au « Monde », encourageait fortement la politique « One health », une seule santé. Ce mouvement né aux Etats-Unis il y a une dizaine d’année, vise à traiter les nouveaux risques écoépidémiologiques et à se protéger contre les risques d’épidémies virales.
Approche globale et systémique
One health désigne une approche intégrée et unifiée des programmes de santé humaine, animale, et environnementale. Il s’agit d’avoir une approche globale et systémique de tous les aspects santé, à la fois à tous les niveaux géographiques (local, régional, national, international, mondial) et dans tous les domaines de la vie (animal, végétal, humain).
Prévention des épidémies mondiales
Mis sous très forte pression par la crise de la Covid-19, les politiques commencent à croire à cette approche : un conseil d’experts de haut niveau One Health/Une seule santé a été créé en novembre dernier dans le cadre du Forum de la paix de Paris 2020. Selon Thierry Lefrançois, directeur du département systèmes biologiques au Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad), il s’agit d’une étape essentielle pour la prévention des épidémies mondiales. Le Conseil donnera des avis et aidera les États et les organisations internationales (OMS, OIE, FAO, PNUE…) à prendre des mesures pour anticiper, surveiller et réagir face aux risques ou débuts de nouvelle pandémie mondiale.
Interactions et équilibres entre microbes, vecteurs, hôtes
Car, ce dont sont persuadés tous les scientifiques, c’est que dans le monde actuel, toutes les variables et tous les événements sont corrélés et peuvent déclencher des bouleversements sanitaires mondiaux, telles que les pandémies.
Des variables liées au climat, aux pratiques agricoles, aux modes d’organisation et de production (élevage, marchés, commerce…) bouleversent les interactions et équilibres entre les microbes (virus, bactéries, parasites), les vecteurs arthropodes (moustiques, tiques…), les animaux « réservoirs » (tels que les chauves-souris hébergeant des pathogènes) et des hôtes (les animaux domestiques et sauvages, et les humains).
Exemples de déséquilibres
« La déforestation pour développer l’agriculture industrielle d’exportation, le trafic d’espèces sauvages et la perte de biodiversité associée sont des exemples emblématiques de déséquilibres pouvant favoriser les contacts entre de nouveaux pathogènes et l’homme, aboutissant à l’émergence de maladies, comme par exemple Ebola » expliquent le collectif de scientifiques français en faveur de One health.
JC Nathan
Sources : OMS
Photo : AP Channi Annand / TV5Mondeinfo