« La demande mondiale de cacao augmente nettement depuis quelques années. »
Le Cirad est un centre de recherche français qui répond, avec les pays du Sud, aux enjeux internationaux de l’agriculture et du développement.
Des experts annoncent une pénurie de cacao dans les années à venir. Qu’en pensez-vous ?
Il est très difficile d’avoir des chiffres très clairs. La production de cacao mondiale est de 4 millions de tonnes avec quatre grands pays producteurs : la Côte d’Ivoire (1,5 million de tonnes), le Ghana (850 000 tonnes, l’Indonésie (420 000 tonnes) et un ensemble de plus petits producteurs, Nigéria, Cameroun, Equateur, Brésil… avec environ 200 000 tonnes.
Depuis une dizaine d’années, la demande augmente nettement car les pays émergents (Brésil, Inde, Chine, Russie…) commencent à consommer de façon significative. Un pays comme le Brésil, à la fois consommateur et producteur, est devenu importateur net de cacao. Dans ces pays, le chocolat devient un cadeau plaisir très à la mode, avec une forte image de luxe.
Si la production mondiale de cacao devenait très insuffisante, les prix augmenteraient fortement ?
Certaines grandes firmes (Mars, Barry Callebaut…) estiment qu’à l’horizon 2020, il faudra 1 million de tonnes de cacao de plus, soit une augmentation très forte de près de 25%. Aujourd’hui, la tonne de cacao vaut aux environs de 3000 dollars. Elle ne valait que 800 dollars en 2001. Ce qui inquiète les marchés, c’est le moment où l’on commencera à tirer sur les stocks (actuellement 7 à 8 mois de consommation). Certaines projections font état de cours du cacao aux alentours de 4 000 dollars, en cas de pénurie.
D’où pourrait venir la nouvelle production dont le marché aura besoin ?
Dans des pays comme le Brésil, l’Equateur, la Colombie, l’Indonésie… on a de fortes marges de manœuvre pour augmenter les rendements. Cela nécessite de forts investissements techniques mais c’est possible. En exploitation familiale, on produit 350 à 400 kg de cacao à l’hectare. On peut passer en mode intensif à des rendements de 2 jusqu’à 4 tonnes à l’hectare.
Et l’Afrique ?
La Côte d’Ivoire qui produit à elle toute seule environ 40% du cacao mondial est confronté à de sérieuses difficultés. Les cultivateurs et les plantations vieillissent et il n’est pas sûr que les jeunes prennent la relève. Malgré les efforts faits pour structurer la filière, via la création d’un Conseil du Café-Cacao, et la garantie de prix minimum offert aux producteurs, la culture reste peu rémunératrice au regard d’autres productions agricoles. En Côte d’Ivoire, on garantit au producteur 750 F CFA le kilo de cacao sec. Pour prendre un exemple, un cultivateur ayant 2 hectares de cacao, un rendement de 350 kg à l’hectare, va gagner moins de 1000 dollars par an ! C’est très peu. La culture de l’hévéa peut rapporter facilement trois fois plus.
Les traders et les grands industriels s’impliquent beaucoup dans la modernisation de la filière, notamment via la création de coopératives et divers processus de certification (Fair Trade, Rain Forest, UTZ…). Mais il n’est pas sûr que cela soit suffisant en l’absence d’une politique publique assez forte et dynamique.