Le viticulteur bio et la cicadelle, une affaire instructive

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cicadelle de la vigne

cicadelle de la vigneLa profession viticole de Bourgogne se serait bien passée de l’énorme retentissement donné au procès de ce viticulteur bio, attaqué en justice pour avoir refusé de traiter ses vignes face à la menace supposée d’un ravageur, la cicadelle.

 

En juin 2013, Emmanuel Giboulot, exploitant de dix hectares en biodynamie en Bourgogne (Côte de Beaune et Haute-Côte de Nuits) refuse de traiter ses vignes contre la cicadelle, un insecte qui répand la  flavescence dorée, une maladie mortelle pour les vignes. Quelques mois plus tard, la machine judiciaire s’est mise en marche. Pour ne pas avoir obtempéré au décret du préfet, il encourt 6 mois d’emprisonnement et 30 000 euros d’amendes. Le viticulteur bio a rassemblé des dizaines de milliers de signatures de soutien à sa cause et obtenu l’aide de plusieurs grands mouvements écologistes et alternatifs (Europe-Ecologie-Les Verts, NPA, Greenpeace, Attac…).

 

Maladie très contagieuse et mortelle

 

Cette affaire permet de prendre conscience de la réalité viticole et des choix techniques et environnementaux que doivent faire les viticulteurs. La cicadelle est un insecteur qui pique et suce les feuilles des plantes. En France, des scientifiques ont recensé jusqu’à 130 espèces de cicadelles différentes, vectrices de 70 agents phytopathogènes, c’est-à-dire pathogènes pour les plantes, la vigne, mais aussi les betteraves, le blé….  La cicadelle de la vigne (Scaphoideus titanus) transmet à la vigne une mycoplasmose, la flavescence dorée, maladie très contagieuse et mortelle pour la vigne.

 

Plans de lutte obligatoires

 

La menace est suffisamment grave pour que les pouvoirs publics français et les autorités européennes dictent des plans de lutte obligatoires : arrachage de ceps contaminés, brûlage du bois, luttes insecticides… En France, la moitié des vignes sont régulièrement traitées pour ce motif. En Bourgogne, le département de Saône-et-Loire est touché depuis 2011 par la maladie. La Côte-d’Or n’était pas encore atteinte à l’été 2013, date de l’arrêté préfectoral contraignant les viticulteurs à traiter. Mais le risque de contamination existait, estiment les services publics concernés.

 

Lutte bio

 

Les viticulteurs bio tentent de lutter de façon préventive contre la cicadelle en traitant les vignes de diverses façons (par exemple avec de la fougère, de l’argile calciné, en mettant des « pièges » colorés, du papier d’aluminium). De par leurs engagements AB, ils ne peuvent pas utiliser les produits chimiques. Ils ont à leur disposition un insecticide naturel, le Pyrevert (famille des pyrètres). Mais ce neurotoxique puissant a l’inconvénient de toucher tout ce qui bouge : insectes (les précieux pollinisateurs, ou les acariens dont certains protègent la vigne contre les attaques des araignées rouges..), oiseaux, animaux, voire humains.

 

Un choix de société

 

Le débat technique et « philosophique qui surgit peut se résumer ainsi : face à une menace de contamination des cultures, faut-il traiter massivement une région entière avec tel ou tel insecticide chimique (ou un équivalent « naturel » tout aussi dangereux), ou faut-il se montrer beaucoup plus sélectif dans la lutte, quitte à prendre des risques, afin de participer globalement à une protection de l’environnement et de la santé. Le procès d’Emmanuel Giboulot soulève un vrai débat de société.

 

JC Nathan

 

Sources : « Amende requise contre le viticulteur bio qui dit non aux pesticides« . 24 février 2014. Audrey Garric

www.lemonde.fr

Les cicadelles nuisibles à l’agriculture. William Della Giustina.

www7.inra.fr/opie-insectes

 

Crédit photo : Inra