Laurent Guillet est directeur commercial de la marque Kerisac. Son aïeul, Edmond Jean-Marie Guillet a créé la cidrerie au début du XX° siècle (1920), à Guenrouët (Loire Atlantique).
On boit encore du cidre en France ?
On en boit beaucoup moins qu’au milieu du siècle dernier. A l’époque, le cidre était encore une boisson très consommée. On en buvait tous les jours dans certaines campagnes. Depuis, le cidre a été supplanté par le vin et la bière. Aujourd’hui, il a parfois une image un peu rustique : la « boisson du grand-père ». En réalité, c’est une boisson appréciée de tous qui a plein de qualités : elle est peu alcoolisée, peu calorique (contrairement à ce que l’on pense), peu chère. Elle accompagne superbement de nombreux plats cuisinés.
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Que pèse le cidre en France ?
Le marché du cidre français est estimé à 100 millions de litres. On compte 10 000 producteurs de pommes à cidre et de poires, plusieurs centaines de cidreries, même si l’essentiel du marché est réparti entre les grandes marques, Loïc Raison (le leader), Ecusson, Kerisac, Val de Rance…, les marques distributeurs, quelques grosses cidreries artisanales.
Le cidre se vend principalement en grandes surfaces, et en « hors domicile », crêperies, restaurations…. Chez Kerisac, nous avons développé une vente par correspondance à une époque où nous étions connus uniquement en Bretagne et dans les pays de Loire, et où les grandes surfaces ne nous distribuaient pas dans toute la France.
La campagne des pommes commence en septembre et s’étale jusqu’en décembre. Comment se présente-t-elle ?
C’est une année difficile. Il y a eu le gel printanier dans certaines régions et de la sècheresse. Il y a peu de pommes. Dans la pomme à cidre, tout comme dans la pomme de table, il y a de grosses baisses de production en Europe.
Le cidre est un produit technique….
Il y a effectivement une vraie complexité du métier. La pomme est un produit vivant. Comme dans le vin, nous sommes tributaires de la qualité de la matière première, donc du climat et des récoltes. Chez Kerisac, nous avons passé des accords avec une cinquantaine de planteurs, afin de garantir l’approvisionnement sur certaines variétés de pommes. Cela nous permet de maintenir la qualité des assemblages de pommes et de nos jus, et ainsi l’équilibre de nos produits.
Nous écrasons chaque année entre 5 et 7 000 tonnes de pommes et nous stockons ensuite 5,5 millions de litre de jus au froid, le temps de la fermentation. Le défi est d’être capable de faire un produit de qualité régulière afin de ne pas décevoir le consommateur.
L’image du cidre est indissociable de celles des crêpes, des crêperies, de la Chandeleur…. N’est-ce pas un handicap ?
Les crêperies – on en compte encore plus de 4 000 en France – ont fait beaucoup pour populariser le cidre et le faire apprécier. C’est toujours un canal de distribution important et un vecteur d’image, en particulier pour notre marque. Mais le cidre doit se déguster au-delà des crêperies et en dehors des périodes de fêtes.
Chez Kerisac, nous travaillons à moderniser l’image du cidre en proposant des produits plus « tendance », plus « féminins », plus complexes : du cidre rosé, du cidre fruits rouges, du cidre et cassis… Nous nous attachons aussi à faire redécouvrir le cidre, à faire connaître de magnifiques alliances de goûts, comme le cidre avec certains fromages, avec différents plats. D’ailleurs, dans une région comme la Normandie, du fait de la tradition culinaire et de l’importance du calvados (qui vient du cidre distillé), on trouve du cidre sur les cartes de restaurants.