Olivier Roellinger, chef des épices

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Chef Olivier Roellinger

Chef Olivier Roellinger

« Sans les épices, la vie serait bien fade et ennuyeuse. On en a besoin pour son esprit, son âme »

 

Son nom sonne comme un symbole de la grande cuisine française. Grand maître des épices, ce chef breton a rendu ses étoiles en 2008. Mais il continue de briller.

 

Olivier Roellinger avait trois étoiles. Il les a rendus un jour pour être plus libre et se vouer à sa passion des épices. Il officie dans son petit restaurant de Cancale, la « Maison de Bricourt ».

 

Dans l’entrepôt du grand-père

 

Chez Roellinger, les épices viennent d’Orient, mais aussi… de chez son grand-père, autrefois épicier à Rennes : « J’avais moins de dix ans, il me faisait rentrer dans son entrepôt et me racontait tous les secrets de ses épices… ». Chez ce chef, comme chez bien d’autres, tout se joue au cœur de l’enfance et de l’affectif : « Mes parents, épris de voyages, partaient parfois plusieurs semaines en voiture dans les déserts du Maroc, au Kenya, en Inde (…). Lorsque ma mère revenait, j’ouvrais la valise qui révélait alors ses parfums d’épices  (…). Ces odeurs sont intimement liées au bonheur de retrouver ma mère après ces longues vacances. »

« Ma mère utilisait les épices qu’elle rapportait dans la cuisine de tous les jours. A la place des moules marinières, elle associait aux fruits de mer une espèce de curry qu’elle faisait elle-même. J’avais l’impression de partir en voyage avec elle.»

 

Des mélanges pour notre table

 

Roellinger est un ardent partisan du métissage. « Mon travail de cuisinier, c’est de créer des mélanges, avec notre mémoire, notre histoire de breton, de français, d’Européen. Je ne veux pas créer des mélanges exotiques, je veux créer des mélanges parfaits pour notre table à nous. Je veux recréer le goût de l’aventure, que rapportaient les marins. Et pour cela, on s’enrichit des savoirs d’ailleurs, c’est la richesse de l’apprentissage. »

 

La ponctuation de la cuisine

 

« Les épices ne sont pas indispensables à la santé. Pourtant, je suis convaincu qu’on en a besoin pour son esprit, pour son âme, pour goûter la vie. Si on faisait disparaître l’ensemble des épices, la vie serait bien fade et ennuyeuse ! Imaginez une phrase sans ponctuation : c’est illisible, ça n’a aucun sens. Les épices sont la ponctuation de la cuisine, elles donnent le tempo, elles sont indispensables. »

 

Le feu, l’anis, le féminin

 

Roellinger classe les épices en grandes familles : « Il y a trois type d’épices qui apportent « le feu » en bouche : le piment, (il en existe 380 variétés différentes), les différents poivres, et le gingembre. Ces trois types d’épices « brûlent », les autres n’apportent que des parfums. On a tendance à confondre cuisine pimentée et cuisine épicée, alors que c’est très différent. La cuisine épicée est une cuisine de parfums. ».

« Après les épices « de feu », il y a les « anisées » : la badiane, cet anis « étoilé » qui vient de Chine, l’aneth, le fenouil, et toutes ces épices fraîches, qui apportent un parfum de printemps. Les « épices tendres » sont très féminines, la plus féminine d’entre elles à mes yeux, est évidemment la vanille, qui est très maternelle. La muscade possède une rondeur, une espèce de volupté… La cannelle est charmeuse, elle m’évoque la peau d’une maman, la peau d’une femme.»
Il a aussi les épices « caractérielles », comme « le girofle et le bois d’Inde, la fève Tonka… des épices à part, complexes qu’on ne sait pas exactement où ranger. »

 

Elaborer des mélanges comme en parfumerie

 

Dans sa « Maison de Bricourt », à Cancale, le chef créé des mélanges originaux (plus d’une trentaine à ce jour) aux noms poétiques : « Retour des Indes », « Poudre de vent », « Grande Caravanne », ou encore des chutneys. « Concevoir une poudre d’épices, cela tient de l’élaboration d’un parfum. C’est même encore plus compliqué, parce que l’on ne peut pas se contenter de la dimension olfactive. Il faut également penser à la dimension visuelle, gustative et « rétro-olfactive », ces sensations qui restent après avoir avalé l’épice. »

 

Jamais au singulier

 

Selon Roellinger, les épices ne se conjuguent pas au singulier (à l’exception du poivre), et  il faut obligatoirement les associer : « C’est une présomption très occidentale de penser qu’une épice peut se suffire à elle-même pour parfumer un plat… quel que soit l’endroit du monde où l’on utilise des épices, elles sont toujours mélangées ! Prenez le Gara Massala, le mélange Cajun, le Zahtar au Moyen Orient (mélange de sésame, sumac et thym), le Ras el Hanout, le 5 épices Chinois … tout se mélange et s’associe. »

 

Hortense Allain-Launay

 

Crédit photo : Ouest France

– Epices et Roellinger, Christian et Vincent LEJALE Imagine& Co

– Rœllinger, le cuisinier corsaire, biographie par Christian LEJALE, Imagine& Co

http://www.epices-roellinger.com/