Les contaminants alimentaires et autres substances toxiques naturelles ou introduites par l’homme, sont très nombreux. La toxicologie alimentaire doit encore faire de gros progrès pour nous éclairer et nous protéger.
Les contaminants alimentaires et substances plus ou moins toxiques présentes dans les aliments se comptent par centaines, voire par milliers. C’est une réalité scientifique qui n’est pas très connue, heureusement pour la quiétude des repas. On les nomme de façon savante, les xénobiotiques (du grec xénos, étranger, et bio, vie), c’est-à-dire des substances présentes dans un organisme vivant mais qui lui sont étrangères, et généralement considérées comme toxiques.
Lire les fiches Contaminants : Mycotoxines, Pesticides, Dioxines et PCB, Bisphénol A, etc…
Des dizaines de milliers de composés
Rien que la liste des familles de contaminants est impressionnante : toxines naturelles (mycotoxines…), additifs alimentaires, résidus de pesticides, résidus de médicaments vétérinaires, polluants environnementaux (métaux lourds, dioxines, etc), contaminants provenant des emballages (bisphénol A, phtalates…), produits néoformés (acrylamide…). Au total, les scientifiques évoquent des dizaines de milliers de composés que l’on peut rencontrer au gré de notre alimentation.
De larges zones d’ombre
La toxicologie alimentaire a fait de gros progrès ces vingt dernières années et parvient à suivre plusieurs centaines de substances. L’Anses, l’autorité sanitaire française, a fixé des valeurs d’exposition pour 445 substances. Malgré tout, de larges zones d’ombre planent sur les xénobiotiques, et les effets à moyen-long terme sur la santé de ces contaminants alimentaires.
Des données sur 20% des substances
On dispose de données toxicologiques sur seulement 20% environ des substances auxquelles nous sommes exposés. La raison en est simple : le coût et la durée des études. Dans le cas des pesticides, l’étude d’une substance peut prendre 8 à 10 ans pour un coût allant jusqu’à 150 millions d’euros. Ceci explique que les autorités publiques, pour évaluer le risque sanitaire, s’appuient en partie sur les études des firmes privées productrices des substances, ce qui n’est pas sans introduire des biais scientifiques….
De l’ordre du picogramme
Versant optimiste : les méthodes des laboratoires font d’énormes progrès. On est capable d’identifier la présence d’une substance à des quantités infinitésimales de l’ordre du dixième de picogramme (picogramme : millième de milliardième de gramme) et d’identifier en amont des marqueurs de toxicité de diverses substances.
La dose ne fait pas le poison
Version pessimiste : plus on progresse, plus on découvre ou on pressent des phénomènes complexes en matière de toxicologie. L’une des découvertes les plus déconcertantes est que la dose ne fait pas le poison. Autrement dit, une substance peut être plus dangereuse à des doses très faibles qu’à des doses plus élevées. On sait aussi que la période d’exposition (par exemple, un fœtus ou jeune bébé exposé à des perturbateurs endocriniens) joue sur le risque. La question du « cocktail » et des effets de synergies entre substances diverses est également très mystérieuse à ce jour.
Le sujet des contaminants alimentaires et de leurs risques pour l’homme va donc faire couler beaucoup d’encre pendant de nombreuses années.
JC Nathan
Source : « Défis et approches nouvelles en toxicologie alimentaire », Jean-Pierre Cravedi. Article dans L’alimentation à découvert. Ouvrage collectif sous la direction de Catherine Esnouf, Jean Fioramonti, Bruno Laurioux. Cnrs Editions. Mai 2015.
Photo : www.intertek-france.com