Charles Sultan, traqueur de perturbateurs endocriniens

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perturbateurs endocriniens Sultan

 

Les pertubateurs endocriniens ont un ennemi : le Professeur Charles Sultan, chef du service d’hormonologie au CHU de Montpellier et responsable de l’unité d’endocrinologie pédiatrique. Prix mondial d’endocrino-pédiatrie en 2011, il alerte sur les risques élevés des xenoestrogènes (pesticides,diverses matières plastiques…).

 

 

 

Vos recherches vous ont amené à mettre en lumière les effets de diverses substances chimiques (pesticides, oestrogènes, certaines matières plastiques…) sur le système endocrinien. Substances regroupées sous le nom de perturbateurs endocriniens.  Parmi ces effets, il y a la recrudescence de malformations génitales….

 

 

Dans notre service d’endocrinologie pédiatrie, nous observons depuis une dizaine d’années une multiplication des malformations chez les nouveaux nés masculins : un micropénis (ç-à-d. inférieure à la norme standard de 2,5 cm à la naissance), l’hypospadias (une verge avec une ouverture à la base plutôt qu’à l’extrémité). Côté des filles, c’est l’augmentation des pubertés précoces qui est inquiétant. Il y a un nombre croissant de fillettes de moins de huit ans présentant un développement mammaire, avec de multiples risques à la clef : croissance plus faible, obésité, troubles du métabolisme, problèmes cardio-vasculaires….

Dans la faune comme chez les humains, les cas de dévirilisation et d’hermaphrodisme sont en forte augmentation.

 

 

 

Un système endocrinien perturbé dès la vie foetale ou dans l’enfance, c’est le risque de pathologies graves des années plus tard ?

 

 

Effectivement. Par exemple, si le testicule du foetus est agressé, il y a un risque de développement du cancer une vingtaine d’années plus tard. Une exposition à des périodes cruciales (vie foetale, puberté) à certaines substances chimiques risque d’entraîner à l’âge adulte des cancers hormonaux-dépendants comme le cancer du sein, de la prostate, du testicule ou de l’ovaire… La majorité des perturbateurs endocriniens seraient cancérogènes.

 

 

L’action de ces perturbateurs endocriniens est encore plus vaste et plus destructrice, estiment certains chercheurs ?

 

 

Des substances telles que le bisphénol A ont probablement des effets sur le métabolisme, la croissance, le système immunitaire, le système nerveux et le cerveau. Il semble que les perturbateurs endocriniens agissent sur plusieurs mécanismes cellulaires et récepteurs. C’est  ce que l’on appelle une action ubiquitaire. Ces substances provoquent jusqu’à des modifications génétiques de certaines cellules souches.

 

 

 

Une action ubiquitaire, mais également transgénérationnelle, selon vous ?

 

 

Oui, ce que nous observons pour le distilbène (hormone de synthèse administré aux femmes jusqu’en 1977 pour prévenir les fausse couches. NDLR) ainsi que pour l’agent orange (herbicide utilisé massivement au cours de la guerre du Viet-Nam. NDLR), ce sont des dommages à la seconde voire la troisième génération. Une « fille distilbène » (enfant né d’une mère ayant consommé du distilbène) a un risque de cancer du vagin multiplié par 40. La santé et la survie de nos enfants et de nos petits-enfants sont menacées par les perturbateurs endocriniens.

 

Propos recueillis par Eric Allermoz et Bernard Duran

 

Lire aussi :Les perturbateurs endocriniens sont partout

Le rapport d’information du député Jean-Louis Roumégas. 2014.