En publiant la carte des projets de fermes-usines, la Confédération paysanne souhaite tirer l’alarme sur les dérives potentielles liées à l’élevage à grande échelle et à l’agriculture intensive.
Le syndicat agricole Confédération paysanne a publié à la mi-février une carte d’une trentaine de fermes-usines, des fermes de grande taille dédiées à l’élevage (poulets, bovins…) ou à la culture. Après la ferme des mille vaches à Drucat dans la Somme, d’autres projets arrivent à maturité, caractérisés par des tailles inhabituelles pour la France : une exploitation de 250 000 poules pondeuses à Doullens dans la Somme, une autre de 1,2 million de volailles à Pamproux dans les Deux-Sèvres, plusieurs élevages de 1000 bovins, une porcherie de 11000 porcs à Saint Symphorien, etc…
Economies d’échelle
Les Nord-Américains, Allemands, Danois, Hollandais … ont depuis longtemps mis en place des exploitations de ce type pour maximiser les économies d’échelle. La concurrence internationale exacerbée sur les produits agricoles pousse dans le sens des grandes exploitations. Mais l’issue de cette guerre économique est incertaine. Entre les années 1980 et 2000, la Bretagne s’est spécialisée dans le porc. Aujourd’hui, la situation de crise du porc breton (60% de la production française), confrontée à la concurrence de l’Allemagne et des pays de l’Est, montre les limites d’une stratégie de production à grande échelle.
Gigantisme agricole et environnement
Ce que dénoncent des syndicats « engagés » comme la Confédération paysanne, c’est le fait que la course au gigantisme agricole se fait le plus souvent au détriment de la qualité des produits, de l’environnement et des emplois. La Bretagne n’en finit plus de payer la note des nitrates. Les rejets de lisier et leur épandage ont saturé les eaux de nitrates, avec un niveau moyen actuel de 40 mg/litre, soit presque le double de la moyenne nationale. Cette pollution a porté atteinte aux sources d’eau potable comme à la faune (poissons de rivières) et au littoral (algues vertes). Lire à ce sujet Nitrates, la France pollue durablement.
Rationalisation et alimentation
L’augmentation de la taille des exploitations s’accompagne inévitablement d’une rationalisation poussée de l’alimentation des bêtes ou des traitements pesticides des cultures. Les élevages intensifs privilégient par exemple une alimentation en maïs ou en tourteaux de soja qui pose elle-aussi des problèmes environnementaux (consommation d’eau, déforestation et monocultures).
Changement de mode de production
Pas besoin d’être grand expert pour comprendre que la qualité des produits animaux est fortement mise à mal dans une exploitation de 250 000 poules ou de 11 000 porcs. Quant à l’emploi dans le secteur agricole, il a peu à gagner d’un changement radical de mode de production. En France, la ferme type est encore à dimension humaine. Une exploitation laitière-type, avec deux fermiers, est à la tête d’un cheptel de 40 à 50 vaches. Le passage d’une économie de 60 000 exploitations laitières à 2 500 grandes fermes-usines occasionnerait un redoutable perte d’emplois. Autant dire qu’il y a matière à s’interroger à plusieurs égards sur la généralisation d’exploitations géantes. (Lire : Eau potable, la France mal en point)
JC Nathan
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