Du quinoa d’Anjou à la place du bolivien… L’or des Andes, cultivé depuis des millénaires sur les plateaux andins, est aujourd’hui une culture française. Derrière son image bio-bobo, ce produit hautement spéculatif suscite beaucoup d’enjeux et de polémiques.
Le quinoa andin (il faudrait dire la quinoa) a désormais des petits frères dans le monde entier. Sous l’impulsion de l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé), des cultivateurs aux Etats-Unis, en Chine, au Moyen-Orient… se sont lancés dans la culture de cette herbacée aux riches apports protéinés. En France, le quinoa d’Anjou (Maine-et-Loire) est produit par 250 cultivateurs qui font environ 2 000 tonnes de quinoa par an. Ces cultivateurs ont créé une collective intitulée Quinoa d’Anjou.
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Variétés sans saponine
L’un des acteurs les plus connus du « quinoa français » est un américain, Jason Abbot, un spécialiste de semences. En partenariat avec l’université néerlandaise de Wageningen aux Pays-Bas et la Coopérative agricole du Pays de Loire, Il a aidé à développer et breveter des variétés sans saponine (une enveloppe naturelle amère de la graine), les variétés Atlas, Pasto et Riobamba, considérées comme adaptées au climat continental. Ces variétés sont notamment commercialisées dans les circuits bio sous la marque Primeal.
Difficile à cultiver
Le quinoa est une plante difficile à cultiver qui n’aime ni les fortes chaleurs, ni les forts gels. Pas trop l’eau, et pas les sécheresses (d’où son adaptation pour un pays tempéré comme l’Anjou). Pour beaucoup d’agriculteurs, il est difficile de surajouter les contraintes des cahiers des charges du bio. Résultat, la quasi-majorité des producteurs français travaillent « en conventionnel ». Les semences sont chères, les rendements sont considérés comme faibles (il y a beaucoup de déchets). Pour autant, à 6 ou 7 000 euros la tonne, la rentabilité au rendez-vous. Depuis cinq à six ans, les prix du quinoa ont en effet flambé.
L’Arche de Quinoa
La graine millénaire des Andes est devenue un produit hautement spéculatif. L’association Kokopelli qui milite pour la liberté de circulation et d’utilisation des semences dénonce avec colère diverses manoeuvres sur le marché européen et international de la quinoa. Elle lance une grande campagne, « L’Arche de Quinoa », afin de faire connaître les milliers de variétés de quinoa existantes (avec ou sans saponine).
Les droits sur les semences
Au passage, Kokopelli met fortement en cause les stratégies du commerce bio français, et demande à la société Abottagra de Jason Abbott d’abandonner ses droits sur les semences mises au point « pour l’Europe » (demande non suivie d’effet). Le débat est complexe et difficile à décortiquer pour le grand public. Il donne en tout cas un indice de l’ampleur des enjeux financiers liés à cette graine millénaire.
JC Nathan