On trouve beaucoup de conseils en matière de bonne alimentation. Mais peu de spécialistes de la nutrition insistent sur l’importance du processus de digestion. Le docteur Kahina Oussedik, experte en biochimie, montre combien il est essentiel de respecter de bonnes combinaisons alimentaires.
Selon vous, il est essentiel de bien associer les aliments pour garantir l’assimilation des nutriments. Cela suppose de classer les aliments en fonction des réactions chimiques qu’il génère dans le système digestif, non selon la classification en nutriments (glucides, lipides…).
Quelles sont les grandes familles à distinguer ?
En matière de digestion, les familles à reconnaître sont les protéines animales (viandes, charcuteries, poissons…), les acides (fruits crus ou séchés, aliments en saumure, vin blanc et rosé, alcools forts, boissons gazeuses…), les amidons (céréales, légumes amidonnés comme les carottes ou les petits pois…, légumes secs, graines), les « neutres » (fruits cuits, œuf, fromages, beurre, produits laitiers, oléagineux, légumes sans amidons comme les tomates, les épinards, les haricots verts…).
Vous expliquez que certaines associations sont nocives. Typiquement, acides et amidons, combinaison très problématique semble-t-il. Pour quelles raisons ?
Prenons l’exemple des fruits, des « acides ». Ce sont des hydrates de carbone à indice glycémique élevé, riches en vitamines. Pour parvenir à digérer ces acides, l’estomac va créer un milieu encore plus acide avec un pH entre 2 et 5 afin d’accélérer la digestion. Une acidité qui facilite par exemple la digestion de aliments neutres.
En revanche, le couple acides – amidons est très nocif. Les amidons sont des boules de sucres (des polysaccharides), véritables colliers de glucides entremêlés. Pour les assimiler, l’estomac se met dans des conditions douces avec le moins d’acidité possible (des pH entre 5 et 5,8). Mais en présence d’un acide comme un fruit, l’estomac doit changer de stratégie, recréer un milieu acide, ce qui va grandement perturber la digestion des amidons.
Quelles sont les conséquences de cette perturbation ?
Les nutriments ne sont pas bien assimilés. Le système digestif doit éliminer une masse indigeste. La personne va connaître des brûlures d’estomac, des remontées gastriques, des ballonnements… Dès que l’on cesse ces mauvaises associations, la grande majorité des personnes voit leurs symptômes disparaître.
Les mauvaises associations dégradent notre apport en nutriments ?
Jusqu’à présent, la présentation classique de la digestion (absorption d’aliments, passage dans les intestins, assimilation des nutriments dans le sang) ne prenait pas en compte une étape essentielle : le travail réalisé par les micro-organismes du microbiote qui jouent un rôle crucial dans l’assimilation des nutriments (vitamines, minéraux, oligo-éléments…). Si les échanges chimiques sont perturbés, le fonctionnement de notre microbiote en sera affecté et notre organisme bénéficiera de moins de nutriments.
De mauvaises pratiques alimentaires mettent en cause la santé de notre flore intestinale et notre santé globale, expliquez-vous dans votre ouvrage…
Les différentes populations bactériennes du microbiote requièrent une alimentation diversifiée, apportée selon de bonnes combinaisons. Si ce n’est pas le cas, le microbiote est déséquilibré et fragilisé, avec le risque à la clef d’un cortège de maux (intolérances, allergies, inflammations…). Des processus de digestion alourdis exigent davantage d’énergie. C’est un véritable gaspillage d’ATP* au détriment de fonctions vitales telles que le système immunitaire.
- ATP : L’ATP (Adénosinte Triphosphate) est une molécule clef dans la gestion des réactions chimiques du métabolisme, la fourniture et la circulation de l’énergie nécessaire aux cellules, la régulation de multiples processus biologiques de l’organisme.
Photo : Felicien Delorme Copiright Flammarion